SAINT-MARTIN DE MIOS.

Nous serions d’autant plus tenté de passer sous silence cette paroisse, que ne connoissant pas, et n’ayant d’ailleurs reçu aucun renseignement à ce sujet, nous aurions prié personnellement M. l’ancien Curé de Mios, que nous eûmes occasion de rencontrer dans cette ville, de vouloir bien nous en faire passer, et qui nous répondit qu’il n’y avoit rien dans sa Paroisse qui fût digne d’être connu. C’étoit certainement en dire assez pour donner à comprendre qu’il ne se soucioit pas qu’on en parlât. On ignore qu’elles étoient ses raisons. Quant à nous, celles que nous avons d’en parler sont connues. Nous dirons donc sur cette Paroisse le peu que nous en savons, dussion-nous n’en dire autre chose, sinon qu’elle est située dans le pays des Landes, contrée de Buch, Archiprêtré de Buch en Born, ou de Parentis qui en est le chef lieu.

On ignore si son église est grande, belle et ancienne. Il faudroit l’avoir vue pour l’attester, ou avoir pardevers soi le témoignage de quelque personne digne de foi. On sait seulement, en général, qu’il n’y a point de contrée dans le Diocèse, où les Eglises soient mieux entretenues que celles des Landes.

On ne sait pas non plus quels sont les quartiers ou Villages de cette Paroisse ; on sait seulement qu’il en existe un, qui est connu sous la dénomination de Lacanau de Florence. On prétend que le bois de Biarts, qui borde, par l’espace d’une demi-lieue le chemin de la Teste à Bordeaux, mais qui n’a pas beaucoup de profondeur, est une dépendance de ce village.

L’auteur du Dictionnaire universel de la France ne fait aucune mention de cette Paroisse, exepté que ce soit celle qu’il appelle Minos, qu’il place dans la Guienne, Diocese, Parlement, Intendance et Election de Bordeaux, et qui a 690 habitants. C’est à quoi se réduisent tous les renseignemens que nous donne cet Ecrivain, encore sont-ils peu exacts sur la dénomination de la Paroisse à laquelle il les applique. Il n’existe point dans l’étendue de ce Diocese aucune Paroisse connue sous le nom de Minos : la seule à laquelle le peu qu’il en dit paroît convenir, est celle de Mios dont il est ici question, et qui ne differe de celle de Minos que par la lettre n, qu’on a insérée mal à propos au milieu de sa dénomination ; mais il faut excuser ces fautes légères à un Ecrivain qui, malgré tous les refus qu’il a éprouvés, a frayé le chemin à un ouvrage très-pénible, mais qui, avec le temps et les travaux des Savans, peut devenir très-intéressant pour la France.

M. l’Abbé Expilly, qui ne fait pas mention de la prétendue paroisse de Minos, parle de celle de Mios, qu’il dit être située « dans le Bordelois, en Guienne, Diocese, Parlement, Intendance et Election de Bordeaux, Juridiction de la Mothe-Certes. On y compte, ajoute ce Savant, 151 feux, y compris ceux du Barpt. Cette Paroisse est sur la rivière d’Eyre, à six lieues S. O. de Bordeaux ».

Quoique ce qu’on vient de rapporter d’après cet Ecrivain, paroisse plus exact, qu’il soit néanmoins permis, pour la perfection de cet article, d’y faire quelques observations…..

1° Que Saint-Jacques du Barb, et non du Barpt, comme l’écrit M. l’Abbé Expilly, est une Paroisse entièrement distincte et séparée de celle de Mios, qui est distante de celle-ci de plus de deux grandes lieues….. 2° Ce Savant ajoute que la Paroisse de Mios est située sur la rivière d’Eyre ; il auroit dû dire sur la rivière de Leyre ; c’est ainsi qu’elle est contamment appellée dans le pays….. 3° Il dit que la Paroisse de Mios n’est distante que de six lieues de Bordeaux. On observera qu’il existe quatre grandes postes de cette Ville jusqu’au Barb, et c’est la route qu’il faut suivre pour aller à Mios, et que du Barb pour se rendre dans cette Paroisse, il y a pour le moins deux grandes lieues. Quelque route, au reste qu’on prenne, il existe huit grandes lieues de Bordeaux à Mios.

Une grande partie des habitans de cette Paroisse s’occupent à faire du charbon qu’ils apportent à Bordeaux chaque semaine de l’année. D’autres sans doute vaquent à la culture des pins, et d’autres à celle des champs, où ils recueillent, suivant l’usage des Landes, des seigles et des millets.

Il est question de Mios dans les rôles Gascons des années 1400 et 1401, à l’occasion du Baillage et Péage de cette Paroisse, qu’il s’agissoit d’accorder à Raymond Dorinha. De concedendo, y est-il dit, Raymundo Dorinha  Bailliagium et Pedagium de Mios. Ce Baillage et ce Péage furent concédés par le Roi d’Angleterre, suivant les rôles des années 1451 et 1452, à Gaston de Foix, Comte de Longueville et de Benauges. Rex concessit Gastoni de Foix, Comiti de Longueville et de Benauges, Bailliagium et Pedaguim de Mios. Cette concession consistoit en la haute Justice de ce lieu, et en un péage qu’il avoit droit d’exiger, à raison du passage de la rivière de Leyre en deux différens endroits; savoir, à Mios et à la Mothe. Comme ce droit de péage concerne l’utilité publique, il ne faut pas être surpris que M. le Marquis de Civrac, Seigneur actuel de Mios, y est été maintenu par Arrêt du Conseil du 12 Septembre 1730, par lequel il a été autorisé à prendre trois deniers par homme à pied, six deniers par homme à cheval, a un sol pour une charrette ; pour un bœuf, un cheval, etc., trois deniers ; pour chaque pourceau, chevre ou mouton, un denier.

Pour achever ce qui concerne la Paroisse de Mios, il faut ajouter qu’elle avoit été ancuennement unie, ainsi que la Paroisse de Sales en Buch, à l’hôpital de Beliet : celui-ci avoit été réuni à celui de Belin ; mais ce dernier ayant été annexé à l’Evêché de Bazas, et celui de Beliet au Séminaire de Saint-Raphaël de Bordeaux, c’est celui qui perçoit les fruits décimaux de la Paroisse de Mios, en conséquence de cette union.

On remarquera en passant, que c’est de cette Paroisse dont il est question dans le Pouillié général de la France, où, à l’occasion des Prieurés de Belin et de Beliet, elle est appellée Saint-Martin de Mons (on devoit dire de Mios) en Born.