SAINT-JEAN
DE LA MOTHE EN BUCH
On ne s'étendra pas beaucoup sur une Paroisse au sujet de
laquelle on n'a reçu aucune espece de renseignement local. On
prétend, d'aileurs, qu'elle est comme abandonnée, nous n'en
parlerons donc que pour qu'il ne soit pas dit qu'elle nous a été
inconnue, et qu'on ne soit pas dans le cas de nous faire le reproche
de l'avoir passée sous silence, au préjudice de l'espece
d'engagement que nous avons pris de parler de toutes les Paroisses
du Diocese.
La Paroisse de la Mothe est placée dans les Landes et dans le
district de l'Archiprêtré de Buch et Born; son Eglise est située sur
une espece d'élévation. Les habitans des Paroisses voisines sont
dans l'usage de s'y rendre et d'y former une Assemblée au jour et
fête de son Saint titulaire, qu'on célèbre le vingt-quatrième jour
du mois de Juin. quoiqu'en général les eaux de la Lande ne soient
pas d'une excellente qualité, il existe néanmoins aux environ de
cette Eglise une fontaine appellée de Saint-Jean, dont l'eau
est très bonne.
Cette Paroisse a été anciennement unie à un Monastere qui existoit
dans le lieu de Comprian, qui n'est plus maintenant qu'un simple
Prieuré Royal; le Prieur est Curé primitif et gros Décimateur de la
Paroisse de Saint-Jean de la Mothe, dont les principaux quartiers
sont, le Bourg, Balanos et Caudos.
Il n'est pas hors propos de remarquer, en passant, ces terminaisons
en os, qui sont familieres parmi les dénominations des lieux
de la Lande. On trouve dans ce même canton, Andernos,
Biganos, Paroisses dans la contée de Buch; Bilos en
Salles, Mios dans la même contrée; Budos, Guillos,
Paroisses de l'Archiprêtré de Cernès, mais placées dans le voisinage
des Landes; Mezos, dans le pays de Born, et quantité d'autres
noms de lieux dont les dénominations sont terminés en os. Il
ne faut pas s'imaginer que ce ne soit que l'effet du hasard ou du
caprice. Nous avons eu occasion de remarquer en plusieurs endroits
de cet Ouvrage, et en particulier dans le premier Volume, article de
la Paroisse de Soulac, que la terminaison en ac, anciennement
si usité à l'égard de noms de lieux, et qu'une infinité retiennent
encore à présent, appartenoit au langage Celtique; il pourroit donc
en être ainsi à l'égard de la terminaison en os, qui étoit
usitée dans l'ancien langage des Boyens. Nous n'insisterons point à
cet égard. Nous nous bornons à cette simple observation, en laissant
le soin aux Savans d'approfondir ce qui en est.
La Paroisse de la Mothe est bornée, vers le levant, par les landes
du quarier appellé Argenteyres, dépendant de la Paroisse de
Biganos; vers le nord, par cette derniere Paroisse; vers le
couchant, par celle du Teich, et vers le midi, par celle de Mios. Il
y a pour le moins deux grandes lieues de distance entre le lieu de
la Teste et celui de la Mothe, et de ce dernier, environ huit lieues
jusqu'à Bordeaux. On y voit un bois appellé de la Mothe, qui a un
quart de lieue de largeur sur une lieue de longueur. On est obligé
de le traverser pour se rendre de Bordeaux à la Teste; car il n'y a
point d'autre route pour y arriver.
L'Auteur du Dictionnaire universel de la France joint cette Paroisse
à celle de Biganos, et leur attribue 409 habitans; mais la Paroisse
de la Mothe est absolument distincte de cette premiere. M. l'Abbé
Expilly les confond également, et n'en fait qu'une, qu'il dit n'être
composée que de 95 feux. Il en fait aussi une Juridiction; mais il
faut observer qu'il n'y a jamais eu de Juridiction dans Biganos. La
Paroisse de la Mothe, à la vérité, étoit ci-devant le chef-lieu de
la Juridiction de ce canton; mais elle a été dépouillée de cette
prérogative, et c'est maintenant le quartier de Certes, placé dans
la Paroisse d'Audenge (où cette Juridiction a été transportée), qui
jouit maintenant de cette prérogative.
C'étoit dans la Paroisse de la Mothe qu'existoit anciennement un
château. On y voyoit encore depuis peu d'années une tour appellée
du Castera, que feu M. le Marquis de Civrac fit démolir, et dont
il fit transporter les matériaux au lieu de Certes, pour y
construire la Maison Seigneuriale qu'il jugea à propos d'y établir.
Depuis cette époque, la Paroisse de la Mothe a cessé d'être le
chef-lieu de la Seigneurie, ainsi que de la Juridiction. Il est a
craindre que la perte de ces prérogatives n'entraîne tôt ou tard
celle de la Paroisse même, qui cessera insensiblement d'être
habitée, par là même qu'on aura plus occasion de la fréquenter.
On a dit ci-dessus qu'il existoit dans cette Paroisse une tour
appellée du Castera. On a observé en divers endroits de cet
Ouvrage, et on croit devoir l'observer de nouveau, que cette
dénomination annonce l'ancienne existence de quelque fortification
dans ce lieu, mais qui fut détruite et démolie dans des siecles
reculés, et vraisemblablement lors des ravages des Normands qui ne
cesserent, pendant l'espace d'un siecle,de faire des incursions dans
le Pays Bordelois. Ce fut sur les ruines de ces anciennes
fortifications que fut élevée la tour qui a subsisté jusqu'à nos
jours, et qui, pour cette raison, fut appellée du Catera; ce
qui prouve l'ancienneté da la Seigneurie de la Mothe.
Il est fait mention du Seigneur en Gaillard de la Mota de Bugh,
dans un titre Gascon, en date du 8 Janvier 1289; il y est qualifié
de Cavoy, c'est à dire, Chevalier. Dans un titre du 21
Octobre 1317, Ayquem Guilhem de la Mote, Daudet, ou
Damoiseau, est énoncé fils d'en Gaillard, qui étoit dès-lors
décédé. Il y a lieu de penser que cet Ayquem Guilhem de la Mote
avoit été tenu sur les Fonts Baptismaux par quelque ancien Seigneur
de Lesparre, chez lesquels le nom d'Ayquem Guilhem étoit très
usité. Cest de ces Seigneurs de la Mothe de Buch, que sont issus
tous ceux qui ont porté dans la suite le même nom, et qui ont
possédé diverses Seigneuries dans le Pays Bordelois, même celle de
Roquetaillade dans le Bazadois. Nous avons eu plusieurs fois
occasion, dans cet Ouvrage, de parler des Seigneurs de ce nom, qui
étoient originaires de la contrée de Buch, et d'une noblesse
très-ancienne.