La Paroisse de Biganos vu par l’abbé Jacques BAUREIN dans les « Variétés Bordeloises » Volume III, entre 1784 et 1786.

ARTICLE  XXVIII
 

 

Le texte est intégralement repris comme sur livre de l'abbé Jacques BAUREIN

 

SAINT-GERVAIS DE BIGANOS

C'est une Paroisse de la contrée de Buch, sur laquelle M. le Curé ne s'est pas mis la peine de fournir le moindre renseignement local. On n'entend pas par là lui en faire aucun reproche; on n'a d'autre intention que de s'en mettre soi-même à l'abri, dans le cas où l'on trouveroit qu'on ne parle de cette Paroisse que d'une manière succincte. Elle est située dans le district de l'Archiprêtré de Buch et Born.
Son Eglise est au levant et à peu de distance du Bassin d'Arcachon. C'est dans cette Paroisse qu'est située celle du Prieuré de Comprian. Elles ne sont distantes l'ne de l'autre que d'un demi-quart de lieue. Le Bourg de Biganos peut être composé d'environ cinquante feux. Ses principaux Villages sont Le Taudina et Tegon. Le ruisseau qui porte le nom de ce dernier, fait la séparation de ce quartier et de ses communaux, d'avec le terrein qui appartient et dépend du Prieuré de Comprian. Il existe dans ce dernier lieu un port où l'on s'embarque pour aller sur le Bassin.
Le Prieur de Comprian est Curé primitif et gros Décimateur de la Paroisse de Biganos. Le Curé ne la dessert qu'en qualité de Vicaire perpétuel. Ce bénéfice est à la collation du Prieur de Comprian. Les habitans n'exercent presque tous que la profession de Matelots.
La Paroisse de Biganos est bornée, vers le levant, par une immensité de Landes et sans culture, qui la séparent des Paroisses placées dans l'Archiprêtré de Moulix; vers le couchant, par le Bassin d'Arcachon, et encore vers le levant, inclinant au midi, par la Paroisse de Mios, et vers le nord, par celle d'Audenge. M. le Marquis de Civrac est Seigneur et Haut Justicier de Biganos. Il paroît par un titre du 8 Mars 1355, qu'Arnaud de Lafite, qualifié Donzet ou Damoiseau, étoit habitant de cette Paroisse.
En parlant de Biganos, il ne faut pas omettre de faire mention d'Argenteyres, qui est un des quartiers de cette Paroisse. N'ayant reçu, ainsi qu'on l'a dejà remarqué, aucun renseignement local, ni sur Biganos, ni sur Argenteyres, qui en forme un des quartiers, on a eu la curiosité d'en chercher quelqu'un, soit dans le Dictionnaire Universel de la France, soit dans celui de M. l'Abbé Expilly. L'un et l'autre font bien mention du lieu d'Argenteyres, sans en dire autre chose; mais ils revoient au mot Mothe-Biganos, pour savoir ce qu'ils en disent. On a consulté ces mots auxquels il renvoient. Mais on n'a rien trouvé concernant le lieu d'Argenteyres, sinon, dans le premier, que la Paroisse de Biganos a 409 habitans, et dans le second, qu'elle a 95 feux, sans qu'il y soit fait mention du mot Argenteyres. C'est pour y suppléer que nous dirons que ce quartier est placé dans les landes de Buch et dans la Paroisse de Biganos qui en est la plus voisine, quoiqu'à la distance d'une très grande lieue de l'Eglise. Argenteyres est placé sur la route de Bordeaux à La Teste, et à la distance de trois grandes lieues de celle-ci : aussi est-ce un des lieux où l'on a coutume de s'arrêter lorsqu'on passe sur cette route. Il existe dans ce quartier neuf à dix maisons : on y voit même une Chapelle érigée sous l'invocation de Sainte Catherine; ce qui ne doit pas être surprenant, attendu le grand éloigement qui existe entre ce quartier et l'Eglise de Biganos.
Les deux premières syllabes du mot Argenteyres se trouvent dans la composition d'un trop grand nombre de dénomination de lieux, pour n'être pas autorisé à penser qu'elles pouvoient avoir quelque signification dans le langage Celtique, duquel ont été prises la majeure partie des anciennes dénominations locales. On a consulté à ce sujet les Mémoires de M. Bullet sur la langue Celtique; mais on n'y a rien trouvé de satisfaisant, ou au moins rien qui puisse être approprié ou convenir au lieu dont il est ici question. Il dit bien que le mot Argen signifie riviere, marais, mais le lieu d'Argenteyres n'est ni l'un ni l'autre. Il fait encore deux syllabes du mot Argen, dont la première, selon ce Savant, signifie pierre, et la seconde, gent, signifieroit blanche ou belle. Cette étymologie pourroit convenir au lieu en question, s'il s'y rencontroit de la pierre de cette nature; mais malheureusement il ne se trouve point dans les landes de belle pierre, encore moins qui soit de couleur blanche. La seule pierre qu'on y trouve, est une sorte de tuf, dont la couleur ressemble à du fer rouillé, et que les gens de l'endroit appellent Herrine, attendu qu'elle tient de la nature du fer. Nos recherches ne nous ayant fourni rien qui puisse raisonnablement être adopté, nous renonçons à en faire de nouvelles pour découvrir l'étymologie du nom de ce lieu.

 

ARTICLE  XXIX

COMPRIAN

Ce lieu, à la vérité, est placé dans la Paroisse de Biganos, et en fait partie; mais il est assez important pour mériter qu'on fasse mention dans un article distinct et séparé.
Premièrement, c'est le chef-lieu d'in Prieuré Royal, duquel dépend non seulement l'Eglise de Biganos et quelques autres, et en particulier celle de Mérignac. On peut consulter ce qui a été dit à ce sujet dans l'article qui concerne cette dernière Paroisse.
En second lieu, il existe à Comprian une Eglise qui, dans le principe, étoit desservie par des Chanoines réguliers qui avoient un Prieur à leur tête. On seroit porté à croire que cette fondation doit son existence, soit aux anciens Captaux de Buch, soit aux Seigneurs de Puypaulin, sur la tête desquels ces deux Seigneuries étoient anciennement réunies; au moins paroît-il que ces Seigneurs avoient une prédilection particulière pour l'Eglise de Comprian.
Indépendamment qu'Amanieu de Bordeaux, Chevalier, Captal de Buch, ordonna par son testament du 20 Mai 1300, que son corp fût enseveli dans l'Eglise de Comprian, à côté de celui de la Dame sa mere, il y fonda deux Chapellenies pour le repos de son âme et celle de ses parents; ce qui annonce que ceux-ci y avoient été ensevelis : or, on le demande, les Captaux de Buch et les Seigneurs de Puypaulin, de la Maison desquels étoit Amanieu de Bordeaux, auroient-ils été ensevelis dans l'Eglise de Comprian, si celle-ci ne leur eût pas été redevable de sa fondation ?
Ce n'est pas tout : La noble Dame Assalide de Bordeaux, Dame de Puypaulin, qui étoit la nièce de d'Amanieu, Captal de Buch, en fut instituée héritière : elle devint par là propriétaire de ces deux Seigneuries, et elle avoit épousé noble et puissant Baron Pierre de Greyli, Vicomte de Benauges et de Castillon. Elle légua par son testament du 2 Avril 1328, cent livres au Prieur et aux Chanoines de Comprian, pour la fondation d'un anniversaire.
D'un côté, Jean de Greyli, Captal de Buch et Seigneur de Puypaulin, laisse, par son testament du 31 Mars 1343, au Prieur et aux Freres de la Maison de Comprian en Buch, un legs de cent réaux d'or, somme considérable pour ce temps-là.
Il est fait mention dans un titre de l'an 1347, de la Paroisse de Coprian, qui ne subsiste plus sous cette qualité. Quoique celle-ci soit maintenant placée dans la Paroisse de Biganos, et n'en fasse pas une portion distincte, néanmoins il pouvoit se faire que le lieu actuellement appellé Comprian, fût spécialement dépendant de cette Eglise; et que tandis que la régularité subsista dans ce Prieuré, ce canton fût desservi par quelque Prêtre de cette Maison, et que c'est ce qui occasionna de lui donner la qualité de Paroisse, ainsi qu'il est énoncé dans le titre de 1347, qu'on vient de citer. Mais la régularité ayant cessé dans cette Maison, la desserte du quartier de Comprian a été confiée au Curé de Biganos, qui a été chargé de ce service.
Denis de Sainte-Marthe dans son Gallia Christania (t. 2, p. 805), rapporte que Goscelin, Archevêque de Bordeaux, donna un Mandement en l'année 1085, pour faire restituer au Chapitre de Saint-Seurin l'Eglise de Saint-Pierre de Comprian, qui étoit tombée sous la puissance laïque. Anno 1085, Goscelinus dedit pro restituendâ Capitulo Sancti Severini Ecclesiâ Sancti Petri de Compriants (de Comprian) sub laïcali manu positâ.
On sait qu'il a existé des temps malheureux, où les Eglises étoient tombées au pouvoir des Laïques, qui en disposoient comme des biens séculiers. Il ne faut donc pas être surpris si l'Eglise de Comprian, qui paroît être ancienne, étoit encore, sur la fin du onzieme siecle, sous la main de quelque Seigneur Laïque, et si l'Archevêque Goscelin enjoignit qu'elle fût restituée au Chapitre de Saint-Seurin. La principale difficulté est de savoir comment cette Eglise, qui n'étoit pas certainement de sa fondation, a pu lui appartenir anciennement.
Tout ce qu'on peut dire de plus vraisemblable à cet égard, c'est que la profession régulière ayant ét" introduite dans l'Eglise de Saint-Seurin, les Seigneurs Captaux de Buch, ou quelque Seigneur de cette Contrée, obtinrent des Sujets de cette même Eglise, pour l'établissement de celle de Comprian; et que celle-ci étant tombée en main laïque, fut réclamée par les Chanoines de Saint-Seurin comme une dépendance de leur Eglise. On ignore si le Mandement de l'Archevêque Goscelin eut son entier effet; on sait seulement qu'on trouve ce qui suit dans un ancien pouillié du Diocèse : Prior de Compriano.... ad electionem Capituli Sancti Severini. Il est ajouté à la suite, dubium est. Si lors de la rédaction de ce pouillié, il était douteux si l'élection de ce Prieuré appartenoit à ce Chapitre, la chose ne sauroit l'être maintenant qu'il est certain que c'est le Roi qui est en possession de nommer à ce Prieuré.
Pour achever ce qui concerne le quartier de Comprian, on observera que M. le Marquis d'Arcambal y a fait pratiquer cent trentre livres de marais salans, dans un terrein qui lui a été concédé par feu M. le Marquis de Civrac, qui a établi de pareils marais dans l'étendue de sa Seigneurie de Certes.
On ajoutera que l'Auteur du Dictionnaire Universel de la France attribue au quartier de Comprian 460 habitans, et que M. l'Abbé Expilly, dans son Dictionnaire géographique, n'y compte que 80 feux ; ce qui suivant son calcul, ne feroit que 400 personnes. Il est néanmoins certain que les marais salans qui ont été formés dans ce lieu, doivent y avoir attiré des familles étrangères, et que par conséquent la population doit y avoir augmenté au lieu d'y avoir diminué. Ce même Ecrivain fait une Paroisse du lieu ou simple quartier de Comprian, qui dit être situé dans une contrée agréable et fertile. N'ayant reçu aucune espèce de renseignement sur la Paroisse de Biganos, dont Comprian fait actuellement partie, on n'est pas en état de rien assurer à cet égard. Le P. Briet dans ses Paralleles de sa Géographie ancienne et moderne, fait mention du quartier de Comprian (p. 450), qu'il place, ainsi qu'il est effectivement, auprès du Bassin d'Arcachon, qu'il appelle un golfe d'une très-grande étendue, sinum amplissimum. La Seigneurie de Certes avoit été, suivant cet Auteur, au pouvoir du Duc de Mayenne, ditio Meduani Ducis, dit cet Ecrivain; laquelle avoit passé dans la Maison du Duc de Mantoue, ex quo ad Mantuanam devoluta est.

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