SAINT-GERVAIS
DE BIGANOS
C'est une Paroisse de la
contrée de Buch, sur laquelle M. le Curé ne s'est pas mis la peine
de fournir le moindre renseignement local. On n'entend pas par là
lui en faire aucun reproche; on n'a d'autre intention que de s'en
mettre soi-même à l'abri, dans le cas où l'on trouveroit qu'on ne
parle de cette Paroisse que d'une manière succincte. Elle est située
dans le district de l'Archiprêtré de Buch et Born.
Son Eglise est au levant et à peu de distance du Bassin d'Arcachon.
C'est dans cette Paroisse qu'est située celle du Prieuré de Comprian.
Elles ne sont distantes l'ne de l'autre que d'un demi-quart de
lieue. Le Bourg de Biganos peut être composé d'environ cinquante
feux. Ses principaux Villages sont Le Taudina et Tegon.
Le ruisseau qui porte le nom de ce dernier, fait la séparation de ce
quartier et de ses communaux, d'avec le terrein qui appartient et
dépend du Prieuré de Comprian. Il existe dans ce dernier lieu un
port où l'on s'embarque pour aller sur le Bassin.
Le Prieur de Comprian est Curé primitif et gros Décimateur de la
Paroisse de Biganos. Le Curé ne la dessert qu'en qualité de Vicaire
perpétuel. Ce bénéfice est à la collation du Prieur de Comprian. Les
habitans n'exercent presque tous que la profession de Matelots.
La Paroisse de Biganos est bornée, vers le levant, par une immensité
de Landes et sans culture, qui la séparent des Paroisses placées
dans l'Archiprêtré de Moulix; vers le couchant, par le Bassin
d'Arcachon, et encore vers le levant, inclinant au midi, par la
Paroisse de Mios, et vers le nord, par celle d'Audenge. M. le
Marquis de Civrac est Seigneur et Haut Justicier de Biganos. Il
paroît par un titre du 8 Mars 1355, qu'Arnaud de Lafite,
qualifié Donzet ou Damoiseau, étoit habitant de cette
Paroisse.
En parlant de Biganos, il ne faut pas omettre de faire mention d'Argenteyres,
qui est un des quartiers de cette Paroisse. N'ayant reçu, ainsi
qu'on l'a dejà remarqué, aucun renseignement local, ni sur Biganos,
ni sur Argenteyres, qui en forme un des quartiers, on a eu la
curiosité d'en chercher quelqu'un, soit dans le Dictionnaire
Universel de la France, soit dans celui de M. l'Abbé Expilly.
L'un et l'autre font bien mention du lieu d'Argenteyres, sans en
dire autre chose; mais ils revoient au mot Mothe-Biganos,
pour savoir ce qu'ils en disent. On a consulté ces mots auxquels il
renvoient. Mais on n'a rien trouvé concernant le lieu d'Argenteyres,
sinon, dans le premier, que la Paroisse de Biganos a 409 habitans,
et dans le second, qu'elle a 95 feux, sans qu'il y soit fait mention
du mot Argenteyres. C'est pour y suppléer que nous dirons que ce
quartier est placé dans les landes de Buch et dans la Paroisse de
Biganos qui en est la plus voisine, quoiqu'à la distance d'une très
grande lieue de l'Eglise. Argenteyres est placé sur la route de
Bordeaux à La Teste, et à la distance de trois grandes lieues de
celle-ci : aussi est-ce un des lieux où l'on a coutume de s'arrêter
lorsqu'on passe sur cette route. Il existe dans ce quartier neuf à
dix maisons : on y voit même une Chapelle érigée sous l'invocation
de Sainte Catherine; ce qui ne doit pas être surprenant, attendu le
grand éloigement qui existe entre ce quartier et l'Eglise de
Biganos.
Les deux premières syllabes du mot Argenteyres se trouvent
dans la composition d'un trop grand nombre de dénomination de lieux,
pour n'être pas autorisé à penser qu'elles pouvoient avoir quelque
signification dans le langage Celtique, duquel ont été prises la
majeure partie des anciennes dénominations locales. On a consulté à
ce sujet les Mémoires de M. Bullet sur la langue Celtique; mais on
n'y a rien trouvé de satisfaisant, ou au moins rien qui puisse être
approprié ou convenir au lieu dont il est ici question. Il dit bien
que le mot Argen signifie riviere, marais, mais le lieu d'Argenteyres
n'est ni l'un ni l'autre. Il fait encore deux syllabes du mot
Argen, dont la première, selon ce Savant, signifie pierre,
et la seconde, gent, signifieroit blanche ou belle.
Cette étymologie pourroit convenir au lieu en question, s'il s'y
rencontroit de la pierre de cette nature; mais malheureusement il ne
se trouve point dans les landes de belle pierre, encore moins qui
soit de couleur blanche. La seule pierre qu'on y trouve, est une
sorte de tuf, dont la couleur ressemble à du fer rouillé, et que les
gens de l'endroit appellent Herrine, attendu qu'elle tient de
la nature du fer. Nos recherches ne nous ayant fourni rien qui
puisse raisonnablement être adopté, nous renonçons à en faire de
nouvelles pour découvrir l'étymologie du nom de ce lieu.
ARTICLE
XXIX
COMPRIAN
Ce lieu, à la
vérité, est placé dans la Paroisse de Biganos, et en fait partie;
mais il est assez important pour mériter qu'on fasse mention dans un
article distinct et séparé.
Premièrement, c'est le chef-lieu d'in Prieuré Royal, duquel dépend
non seulement l'Eglise de Biganos et quelques autres, et en
particulier celle de Mérignac. On peut consulter ce qui a été dit à
ce sujet dans l'article qui concerne cette dernière Paroisse.
En second lieu, il existe à Comprian une Eglise qui, dans le
principe, étoit desservie par des Chanoines réguliers qui avoient un
Prieur à leur tête. On seroit porté à croire que cette fondation
doit son existence, soit aux anciens Captaux de Buch, soit aux
Seigneurs de Puypaulin, sur la tête desquels ces deux Seigneuries
étoient anciennement réunies; au moins paroît-il que ces Seigneurs
avoient une prédilection particulière pour l'Eglise de Comprian.
Indépendamment qu'Amanieu de Bordeaux, Chevalier, Captal de
Buch, ordonna par son testament du 20 Mai 1300, que son corp fût
enseveli dans l'Eglise de Comprian, à côté de celui de la Dame sa
mere, il y fonda deux Chapellenies pour le repos de son âme et celle
de ses parents; ce qui annonce que ceux-ci y avoient été ensevelis :
or, on le demande, les Captaux de Buch et les Seigneurs de
Puypaulin, de la Maison desquels étoit Amanieu de Bordeaux,
auroient-ils été ensevelis dans l'Eglise de Comprian, si celle-ci ne
leur eût pas été redevable de sa fondation ?
Ce n'est pas tout : La noble Dame Assalide de Bordeaux, Dame
de Puypaulin, qui étoit la nièce de d'Amanieu, Captal de Buch, en
fut instituée héritière : elle devint par là propriétaire de ces
deux Seigneuries, et elle avoit épousé noble et puissant Baron
Pierre de Greyli, Vicomte de Benauges et de Castillon. Elle légua
par son testament du 2 Avril 1328, cent livres au Prieur et aux
Chanoines de Comprian, pour la fondation d'un anniversaire.
D'un côté, Jean de Greyli, Captal de Buch et Seigneur de Puypaulin,
laisse, par son testament du 31 Mars 1343, au Prieur et aux Freres
de la Maison de Comprian en Buch, un legs de cent réaux d'or, somme
considérable pour ce temps-là.
Il est fait mention dans un titre de l'an 1347, de la Paroisse de
Coprian, qui ne subsiste plus sous cette qualité. Quoique celle-ci
soit maintenant placée dans la Paroisse de Biganos, et n'en fasse
pas une portion distincte, néanmoins il pouvoit se faire que le lieu
actuellement appellé Comprian, fût spécialement dépendant de cette
Eglise; et que tandis que la régularité subsista dans ce Prieuré, ce
canton fût desservi par quelque Prêtre de cette Maison, et que c'est
ce qui occasionna de lui donner la qualité de Paroisse, ainsi qu'il
est énoncé dans le titre de 1347, qu'on vient de citer. Mais la
régularité ayant cessé dans cette Maison, la desserte du quartier de
Comprian a été confiée au Curé de Biganos, qui a été chargé de ce
service.
Denis de Sainte-Marthe dans son Gallia Christania (t. 2, p.
805), rapporte que Goscelin, Archevêque de Bordeaux, donna un
Mandement en l'année 1085, pour faire restituer au Chapitre de
Saint-Seurin l'Eglise de Saint-Pierre de Comprian, qui étoit tombée
sous la puissance laïque. Anno 1085, Goscelinus dedit pro
restituendâ Capitulo Sancti Severini Ecclesiâ Sancti Petri de
Compriants (de Comprian) sub laïcali manu positâ.
On sait qu'il a existé des temps malheureux, où les Eglises
étoient tombées au pouvoir des Laïques, qui en disposoient comme des
biens séculiers. Il ne faut donc pas être surpris si l'Eglise de
Comprian, qui paroît être ancienne, étoit encore, sur la fin du
onzieme siecle, sous la main de quelque Seigneur Laïque, et si
l'Archevêque Goscelin enjoignit qu'elle fût restituée au Chapitre de
Saint-Seurin. La principale difficulté est de savoir comment cette
Eglise, qui n'étoit pas certainement de sa fondation, a pu lui
appartenir anciennement.
Tout ce qu'on peut dire de plus vraisemblable à cet égard, c'est que
la profession régulière ayant ét" introduite dans l'Eglise de Saint-Seurin,
les Seigneurs Captaux de Buch, ou quelque Seigneur de cette Contrée,
obtinrent des Sujets de cette même Eglise, pour l'établissement de
celle de Comprian; et que celle-ci étant tombée en main laïque, fut
réclamée par les Chanoines de Saint-Seurin comme une dépendance de
leur Eglise. On ignore si le Mandement de l'Archevêque Goscelin eut
son entier effet; on sait seulement qu'on trouve ce qui suit dans un
ancien pouillié du Diocèse : Prior de Compriano.... ad electionem
Capituli Sancti Severini. Il est ajouté à la suite, dubium
est. Si lors de la rédaction de ce pouillié, il était douteux si
l'élection de ce Prieuré appartenoit à ce Chapitre, la chose ne
sauroit l'être maintenant qu'il est certain que c'est le Roi qui est
en possession de nommer à ce Prieuré.
Pour achever ce qui concerne le quartier de Comprian, on observera
que M. le Marquis d'Arcambal y a fait pratiquer cent trentre livres
de marais salans, dans un terrein qui lui a été concédé par feu M.
le Marquis de Civrac, qui a établi de pareils marais dans l'étendue
de sa Seigneurie de Certes.
On ajoutera que l'Auteur du Dictionnaire Universel de la France
attribue au quartier de Comprian 460 habitans, et que M. l'Abbé
Expilly, dans son Dictionnaire géographique, n'y compte que
80 feux ; ce qui suivant son calcul, ne feroit que 400 personnes. Il
est néanmoins certain que les marais salans qui ont été formés dans
ce lieu, doivent y avoir attiré des familles étrangères, et que par
conséquent la population doit y avoir augmenté au lieu d'y avoir
diminué. Ce même Ecrivain fait une Paroisse du lieu ou simple
quartier de Comprian, qui dit être situé dans une contrée agréable
et fertile. N'ayant reçu aucune espèce de renseignement sur la
Paroisse de Biganos, dont Comprian fait actuellement partie, on
n'est pas en état de rien assurer à cet égard. Le P. Briet dans ses
Paralleles de sa Géographie ancienne et moderne, fait mention
du quartier de Comprian (p. 450), qu'il place, ainsi qu'il est
effectivement, auprès du Bassin d'Arcachon, qu'il appelle un golfe
d'une très-grande étendue, sinum amplissimum. La Seigneurie
de Certes avoit été, suivant cet Auteur, au pouvoir du Duc de
Mayenne, ditio Meduani Ducis, dit cet Ecrivain; laquelle
avoit passé dans la Maison du Duc de Mantoue, ex quo ad Mantuanam
devoluta est.