SAINT-PAUL
D'AUDENGE
Cette Paroisse est située
dans le pays et Archiprêtré de Buch; les PP. Chartreux de Bordeaux
en sont Curés primitifs, à raison du Prieuré de Cayac uni à leur
Monastère.
M. l'Abbé Explilly lui donne 50 feux, et la place dans la
Juridiction de Lacanau. Le Dictionnaire universel lui
attribue 226 habitans. Comme on n'a reçu aucune espèce de
renseignement sur cette Paroisse, on n'entreprendra pas de
contredire ces faits. On observera seulement:
- En premier lieu, qu'elle est placée au levant et au bord du Bassin
d'Arcachon, non à six lieues et demie de Bordeaux, comme l'écrit M.
l'Abbé Expilly, mais à huit lieues de distance de cette Ville;
- En second lieu, que c'est dans cette Paroisse qu'est situé le
Bourg et la Seignerie de Certes, appartenante à M. le Marquis de
Civrac-Dufort. Ce Seigneur obtint, en l'année 1770, des lettres
Patentes enregistrées au Parlement, portant établissement dans le
Bourg de Certes, de six foires, qui se tiennent les premiers jours
du mois de Février, Avril, Mai, Août, Octobre et Décembre;
- En troisième lieu, que la Seigneurie d'Audenge est un ancien
démembrement de la Châtellerie de Blanquefort. Dès l'an 1282,
Bernard de Blanquefort étoit Seigneur d'Audenge; il l'étoit
également en l'année 1308, et on ne peut douter qu'il ne fût le même
que Bernard d'Audenge, Damoiseau, dont il est question dans une
Chartre d'Edouard II, Roi d'Angleterre, en date du 16 Janvier 1313,
qu'on trouve parmi les Chartres publiées par Rymer (t. 2, part. 1,
p. 24).
Il résulte de cette Chartre, que ce Roi ayant fait don à Bertrand de
Gout, neveu du Pape Clément V, de la Châtellenie de Blanquefort et
de toutes ses dépendances, le noble homme Bernard d'Audenge,
Damoiseau, refusoit de rendre hommage à Bertrand de Gout pour la
Seignerie d'Audenge, quoique située dans les limiotes de la
Seignerie de Blanquefort.
Bernard d'Audenge ne contestoit point ce fait; mais il donnoit pour
prétexte de son refus, que descendant en ligne directe d'ub frere
puîné du Seigneur de Blanquefort, il étoit censé tenir la Seignerie
d'Audenge en paréage; que par conséquent il ne devoit point
d'hommage au Seigneur de Blanquefort ni à ses successeurs, mais
uniquement au Roi.
Ce Prince ayant fait examiner cette affaire, et voulant ôter à
Bernard d'Audenge tout prétexte à un pareil refus, déclare, par
cette Chartre, que bien loin de vouloir diminuer en rien le don
qu'il avoit fait à Bertrand de Gout, il étoit au contraire
très-disposé à l'augmenter, et que, quoique la Seigneurie d'Audenge
fût comprise dans les limites de celle de Blanquefort, et qu'elle en
fût une dépendance, néanmoins il cédoit à Bertrand de Gout toutes
les prétentions que lui Edouard, en qualité de Roi d'Angleterre,
pouvoit avoir sur la Seigneurie d'Audeange.
- On observera, en quatrieme lieu, que la propriété de cette
derniere Seigneurie passa peu d'années après entre les mains
d'autres Seigneurs. Il est fait mention dans un titre du 3 Janvier
1332, d'un Gaillard d'Ornon, Damoiseau, qualifié Seigneur d'Audenge,
Dominus de Audengiâ. Noble et puissant Baron Bernard d'Ornon,
Chevalier, est également qualifié Seigneur d'Audenge dans un titre
du 4 Mai 1362. Cette Seigneurie étoit encore possédée par la Maison
d'Ornon vers la fin du quatorzième siecle, puisque noble et
puissante Dame Marie d'Ornon est énoncée Dame d'Audenge dans un
titre du 12 Mai 1390.
On ignore comment cette Seigneurie sortit de cette Maison; on sait
seulement qu'en l'année 1512 elle appartenoit à la Dame Jeamette
Caunac; en 1595, à Jean de Bourbon, Sieur et Baron de Basian,
d'Audenge et de Lacanau; en 1614, à Raymond de Forgues, Chevalier,
Baron de Rochechandry, des Pins, d'Audenge et de Lacanau, et en
1631, à Noble Jean de Castaing, Seigneur et Baron d'Audenge et de
Ruat.
- On observera, en cinquième lieu, que dans tous les titres anciens,
Audenge se trouve constamment sans "s" à la fin, et que c'est
par incorrection que l'Auteur du Dictionnaire Universel et
l'Abbé Expilly écrivent Audenges.
On a pratiqué à Audenge,
ainsi qu'en d'autres lieux voisins, des marais salans, M. de
Parailhan en possede 58 livres. La livre de marais est composée de
20 aires. Les aires sont des quarré de 15, 16, 17 et 18 pieds, dans
lesquels se forme le sel.
ARTICLE
XXXI
QUARTIER DE
CERTES
Ce lieu n'étoit
ci-devant qu'un simple Village de la Paroisse d'Audenge en Buch; il
est devenu maintenant de quelque considération, soit par
l'établissement de la Maison Seigneuriale, qui existoit auparavant,
ainsi qu'on l'a déjà observé, dans la Paroisse de Lamothe, où "toit
l'ancien Château de Buch; soit par le transport du Siege de la
Justice, qui est maintenant établi au quartier de Certes; soit par
les marais salans qu'on y a pratiqués depuis quelques années, soit
par les foires que M. le Marquis de Civrac y a établies.
Certes, qui est situé au levant du Bassin d'Arcachon, seroit placé
dans le pays de Médoc, si on s'en rapportoit à l'Auteur du
Dictionnaire Universel de la France, et même à M. l'Abbé
Expilly. Cet Auteur qualifie et donne titre de Paroisse au lieu
Certes, qui, selon lui, est à six lieues et un quart de Bordeaux, et
qui dépend de la Juridiction de La Mothes-Certes.
Pour rectifier ces inexactitudes, on dira, en premier lieu, que
Certes n'est point placé dans le Médoc, mais dans la contrée de
Buch; en second lieu, que Certes n'est pas une Paroisse, mais un
simple quartier ou Village de celle d'Audenge: il y existe néanmoins
une Chapelle érigée sous l'invocation de Saint Yves, auquel jour les
gens des Paroisses voisines se rendent en affluence; en troisième
lieu, que Certes est placé à la distance, vers le couchant, de huit
grandes lieues de Bordeaux; en quatrième lieu, que ce quartier n'est
plus de la Juridiction de Lamothe, mais qu'il est actuellement le
nouveau chef-lieu de cette Juridiction.
L'Auteur du Dictionnaire Universel de la France lui attribue
223 habitans. M. l'Abbé Expilly y compte 52 feux. Suivant un
dénombrement dressé en 1770, on y comptoit pour lors 102 feux; ce
qui, à cinq personnes par feu, formeroit le nombre de 510 habitans.
Le quartier de Certes étoit placé ci-devant au bord du Bassin
d'Arcachon; mais il en est maintenant distant d'environ une
demie-lieue; ce n'est pas que l'eau de mer se soit retirée; il
ne faut attribuer ce changement de distance qu'aux travaux qui ont
été faits sur le terrein que les eaux de ce Bassin découvrent à
basse marée, et qui a été renfermé par des digues qui empêchent que
les eaux ne montent aussi haut qu'elles faisoient autrfois. Or,
c'est dans cet espace qu'on a formé des marais salans, et c'est ce
qui a occasionné la distance qui se trouve actuellement entre le
quartier de Certes et le Bassin d'Arcachon.
Les habitans, à la vérité, qui avoient la propriété d'un chenal, au
moyen duquel ils aboutissoient, d'une façon ou d'une autre, au
Bassin où ils exerçoient la pêche, cédèrent en 1770 cette propriété
à M. le Marquis de Civrac leur Seigneur. C'est au moyen de cette
cession que ce Seigneur a fait pratiquer les marais salans qui
existent dans le quartier de Certes. Il en possede lui-même 260
livres. Il a d'ailleurs concédé au sieur Guenon de Bonneuil un
terrein où celui-ci en a pratiqué 40 livres; on a expliqué ci-dessus
ce qu'on entend par une livre de marais salans.
Les habitans de Certes, qui ne faisoient la pêche que dans le Bassin
d'Arcachon, ont entrepris depuis quelques années de la faire dans
l'Océan, comme ceux de La Teste et de Gujan. On a lieu de douter
s'ils sont aussi à portée que ceux-ci de la pêche de peugue.
La Seigneurie de Certes appartenoit, vers la fin du seizieme siecle,
à M. le Duc de Mayenne; elle avoit antérieurement appartenu à la
Maison d'Albret. Plusieurs Auteurs attribuent à cette Seigneurie le
titre de Captalat. Si cette opinion étoit fondée, ce seroit une
raison pour qu'elle fût regardée comme un démembrement du Captalat
de Buch. An,toine de Jaubert de Barrault, Chevalier, est énoncé
Captal de Certes dans un titre du 28 Octobre 1638. Haut et
puissant Seigneur Messire Jacques de Dufort est également énoncé
Captal de Certes en Buch dans un titre du 2 Septembre 1668. Jean
de Dufort étoit propriétaire de cette Seigneurie dès l'an 1669.