SAINT-PIERRE DE LEGE
Cette Paroisse de l'Archiprêté de Buch et Born est placée au nord du
Bassin d'Arcachon : son Eglise n'est pas ancienne, et elle n'a
d'ailleurs rien de remarquable. Darnal, qui finit sa Chronique
en l'année 1619, nous apprend (p. 13, édition de 1620), que les
sables de la mer avoient fait des progrès considérables sur nos
côtes, que les habitans de Lege avoient été obligé de transporter
leur Eglise à la distance de près d'une lieue de l'ancienne; il
ajoute que dans le temps qu'il écrivoit, il y avoit 60 ans que ce
transport avoit été fait, et que néanmoins ils étoient dans le cas
de la reconstruire une seconde fois dans un lieu plus avancé dans
les terres. Si le millésime 1666, qui est gravé au-dessous du
clocher de Lege, concerne la construction de l'Eglise, il n'y a
point de doute qu'elle n'ait été reconstruite depuis l'époque où
écrivoit Darnal; mais, à dire vrai, on n'auroit pas placé sur le
clocher un millésime qui auroit concerné l'édifice entier de cette
Eglise.
Quelques raisons néanmoins peuvent induire à penser que c'est la
seconde fois que cette Eglise a été rebâtie.....
1° Celle dont parle Darnal, et qui avoit été abandonnée, étoit à la
distance d'environ une lieue de la nouvelle; au lieu que suivant les
mémoires qu'on a reçus sur cette Paroisse, le lieu de Testas,
où étoit placée l'ancienne Eglise, n'est qu'à distance d'un quart de
lieu de l'Eglise actuelle. Cette différence de distance feroit
présumer qu'il pourroit être question de deux différentes Eglises.
2° C'est qu'au temps de Darnal la nouvelle Eglise de Lege étoit à
même d'être couverte par les sables; il s'est écoulé depuis cette
époque plus d'un siècle et demi : les sables néanmoins ont fait et
font tous les jours trop de progrès, pour que l'Eglise dont parle ce
Chroniqueur, eût pu se garantir de leur approche. Il y a donc lieu
de penser qu'elle en a été couverte, et que c'est celle qui étoit
placée au lieu de Testas. Quoi qu'il en soit, il est à craindre que
les habitants de Lege ne se trouvent encore dans le même cas;
l'Eglise actuelle n'est distante des sables que d'une portée de
mousquet chargé à balle.
La Cure de Lege est séculière et à la collation de M. l'Archevêque;
le Seigneur du lieu est gros Décimateur : il existe néanmoins un
procès entre ce Seigneur et le Curé, dans la discution duquel il ne
nous appartient pas d'entrer. Il y a quatre hameaux ou quartiers
dans la Paroisse de Lege; savoir, Le Bourg, la Carreyre, les grands
Housteaux et le Bourg d'Ignac : celui-ci ne dépend pas néanmoins de
la Seigneurie de Lege. Plusieurs quartiers de cette Paroisse ont été
couverts par les sables depuis environ une vingtaine d'années; mais
depuis le temps que ces mêmes sables font des progrès continuels sur
nos côtes, et en particulier sur cette Paroisse, combien d'autres
quartiers ne doivent pas avoir disparu ?
Lege étoit anciennement un lieu considérable, et à le voir tel qu'il
est à présent, on ne s'imagigneroit point que les Ducs de Guienne
n'y eussent eu un manoir particulier; ce fait est néanmoins
incontestable, et le don qu'ils firent à l'Eglise Cathédrale de
Saint-André, ne nous permet pas d'en douter.
M. Lopes rapporte la Chartre de cette donation à la page 365 de
l'Histoire de cette Eglise. Celle-ci s'étoit extrêmement ressentie
des ravages que les Normands ne cesserent de faire dans cette
Province pendant le cours du neuvième siècle; elle s'en ressentoit
encore vers la fin du onzième, puisqu'aux termes de cette Chartre,
elle étoit presque dépourvue d'Ecclésiastiques pour en faire le
service, et que d'ailleurs ses édifices étoient presque entièrement
ruinés. Ce furent ces considérations qui déterminerent la donation
de la Seigneurie de Lege à cette Eglise. On comprend sans peine que
c'eût été pour elle une foible ressource, si le lieu de Lege eût été
dans la situation où il a été réduit depuis cette époque. Il falloit
donc que ce lieu fût anciennement considérable, et que le produit
des droits seigneuriaux fût suffisant pour contribuer au
rétablissement de l'Eglise Cathédrale de Bordeaux, réduite pour lors
à un état des plus tristes.
Les choses ont bien changé depuis cette époque : la Paroisse de Lege
est autant infectée par les sables de la mer, que Bordeaux et
l'Eglise de Saint André ont pu l'être autrefois par les ravages des
Normands : on auroit de la peine à le croire, si les Mémoires qu'on
a reçus ne l'assuroient; savoir, qu'il n'y a pas un seul arbre dans
l'étendue de la Seigneurie de Lege; ce n'est que dans le quartier d'Ignac,
situé au bord du Bassin, où il y ait des arbres et des bois; mais ce
quartier, quoique faisant partie de la Paroisse, dépend néanmoins
d'une Seigneurie différente, ainsi qu'on l'a déjà observé.
Il y a environ vingt-cinq ans qu'il s'est formé dans Lege une espèce
de riviere. Voici comment la chose est arrivée : les eaux des étangs
placés au nord de cette Paroisse, et au pied des dunes, s'étoient
pratiquées une espèce de canal souterrein, par lequel elles se
déchargeoient dans le Bassin d'Arcachon. Le tuf qui regne à peu de
profondeur dans l'étendue de la Paroisse de Lege, s'étant affaissé
dans cette partie, ce canal, qui a quanrante pieds de largeur, parut
à découvert; il s'est insensiblement allongé; ensorte qu'il s'étend
maintenant en longueur l'espace d'une lieue. Les eaux qui se
déchargent par ce canal, viennent des étangs du Porge, de Lacanau et
de Hourtin, qui communiquent entr'eux. I y a lieu de penser qu'avant
long-temps il se formera une rivière qui porroit devenir navigable;
on a déjà vu dans de grands débordemens des gens de Hourtin aller
chercher, avec des pinasses, des huîtres au Bassin d'Arcachon, et
les porter dans le Bas-Médoc. Si ce canal contunue à s'allonger vers
le nord, il joindra tôt ou tard aux étangs, et dès-lors il
deviendroit navigable en tout temps; il n'y a point de doute que ce
ne fût, à tous égards, un avantage considérable, soit pour les
Paroisses qui sont bordées par ces étangs, soit pour celles qui les
avoisinent.
Il est fait mention dans divers anciens titres d'un estey de
Campanhes sur lequel on avoit construit des moulins; il y avoit
même dans la Paroisse de Lege un Village qui portoit ce nom : il y a
apparance que l'un et l'autre ont été couverts par les sables; ou
moins n'en est-il fait aucune mention dans les Mémoires qu'on a
reçus sur cette Paroisse.
L e terrein de celle-ci est égal et uni; ce ne sont que des sables
au-dessous desquels, et à peu de profondeur, on trouve une espèce de
tuf appellé alios dans le pays. Il y a très peu de landes à
défricher, soit dans Lege, soit dans le quartier d'Ignac. Les
productions de cette Paroisse sont le seigle et le bled d'Espagne ou
maïs, que les gens du pays appellent Milloc.
La Paroisse de Lège est bornée, vers le midi, par celle d'Andernos;
au nord, par celle du Porge; au couchant, par la mer océane, et vers
le levant, par une étendue considérable de landes incultes et
inhabitées. Lege est placé à la distance de neuf grandes lieues de
Bordeaux, et à son couchant, il est distant de sept lieues de La
Teste par terre, et de trois seulement par eau, de deux lieues du
Porge, d'une lieue d'Andernos, d'autant de la mer, et d'une
demi-lieue du Bassin d'Arcachon. Cette Paroisse n'a qu'une lieye de
circuit, en ne comprenant dans cette enceinte que les fonds en
culture; car s'il étoit question de ceux couverts par les sables,
son circuit seroit environ de cinq à six lieues; mais ensevelis,
comme ils sont, à la profondeur de quarante pieds pour le moins sous
les dunes, on les regarde, comme entièrement perdus, excepté qu'on
trouvât le moyen de fixer ces sables et d'y faire croître des forêts
de pins. Le quartier le plus éloigné de l'Eglise n'est qu'à la
distance d'un quart de lieue. On peut faire parvenir les lettres que
par la voie des gens de l'endroit qui viennent à Bordeaux, pour y
porter des huîtres ou du poisson : les huîtres qui en viennent sont
estimées. La route de ces gens pour venir à Bordeaux, est de passer
par la Paroisse de Martignas, où il existe un chemin qui porte le
nom de la Paroisse de Lege. La pêche, le transport du poisson et la
culture des terres, font l'occupation des gens de Lege.
Il y a soixante-cinq feux ou familles dans cette Paroisse, savoir :
trente-cinq dans la Seignerie de Lege, et trente dans celle d'Ignac.
C'est la tradition de pere en fils dans cette Paroisse, qu'on voyoit
autrefois aux environ du Bassin des restes de fours et de débris
d'anciennes bâtisses; il y avoit sans doute des Villages; mais les
vents de sud-ouest, qui sont si violents surnos côtes, sont cause
que les eaux du Bassin ont couvert beaucoup de terrein, que les
sables se sont accumulés dans cette partie, où ils s'étendent
d'environ trois quarts de lieue.
Il résulte d'un titre du 22 Mars 1263, qu'il y avoit un château dans
la Paroisse de Lege, qui appartenoit au Chapitre de Saint-André,
puisque celui-ci, en donnant à fief nouveau deux moulins placés sur
l'estey de Campanhes, se réserva, par exprès, que la censive
de deux esquartes de froment et de trois de millet, seroit portable
à Lege devant la Barbacane du Château. On sait par tradition
l'ancienne existance d'un Château dans Lege; on ignore si c'étoit le
même que celui dont on vient de parler; au moins existe-t-il un
local du côté de la mer, appellé au Castera, dénomination qui
annonce les ruines d'un ancien château : on prétend qu'il y avoit
une allée d'ormeaux qui conduisoit de ce château jusqu'au bord de la
mer.
On ne peut douter que les habitans de Lege n'aient été anciennement
serfs questaux, ainsi que l'étoient la plupart des habitans du Médoc
et du Pays Bordelois. Ce fait est établi d'ailleurs par plusieurs
titres, et entr'autres par un de l'année 1373 : c'est cet ancien
état des questalité, si on en croit Cleirac, dans ses Us et
Coutumes de la mer (p. 122 et suivantes), qui donna occasion aux
Seigneurs, dont les Seigneries s'étendoient sur les côtes de
l'Océan, de s'emparer, au préjudice de nos Rois, des droits de
côtes, de bris et de naufrage.
On n'a garde de désapprouver les raisons qu'allegue cet Auteur en
faveur du droit public actuel de la France, qui est fondé sur des
principes aussi sages que solides, et qui a mis fin à une infinité
de barbaries et d'inhumanités qui se commettoient à l'occasion de
l'exercice de ce droit; mais comme cet Auteur a inséré dans son
Ouvrage un ancien Mémoire qu'il a extrait, dit-il, du livre verd de
la Connétablie de Bordeaux, côté C au feuillet 221, et qui a rapport
au lieu de Lege dont il est ici question, on se bornera à en
rapporter la substance et faire quelques observations à ce sujet.
1° Suivant ce Mémoire, certains Seigneurs qui y sont nommés, avoient
anciennement des hommes questaux dans les Paroisses de Lege et
Saint-Vincent de Buch, à raison desquels ils relevoient du Roi, et
étoient immédiatement Justiciables des Juges qui rendoient la
justice au château de Lombriere.
2° Que dans le temps que Raymond du Mirail étoit Gouverneur de ce
Château, la mer jetta sur les c^tes de ces deux Paroisses, deux
baleines et des effets naufragés.
3° Que lorsque le Seigneur Hawering étoit Sénéchal de Guienne, une
baleine morte y fut aussi jettée, ainsi que les harpons dont s'étoit
servi pour la percer; que ces harpons furent suspendus à une des
poutres de la grande salle de ce Château, en signe de la possession
où étoit le Roi, de ces côtes.
4° Que néanmoins les Chanoines de Saint-André, dès le mois de
Janvier 1304, s'étoient mis en possession de la côte de Lege, au
grand préjudice du Roi, qui avoit éprouvé un dommage de plus de
20000 livres tournoises, à raison des pièces d'ambre qui avoient été
jettées sur cette côte.
Je ne sais si tous ces faits consignés dans ce Mémoire qui paroît
extrêmement fautif, tel qu'il est rapporté par Cleirac, sont bien
exavts; ce qui est certain, c'est que le droit de côte appartenoit
inconstestablement aux anciens Ducs de Guienne, et que ceux-ci en
firent don et s'en dépouillerent en faveur de ce Chapitre :
Curtem legiam cum omnibus ad se pertinetibus, est-il porté par
exprès dans le titre de donnation déjà cité.
J'observerai d'ailleurs que ce droit de côte n'étoit pas
anciennement aussi inhérent à la Couronne, qu'il l'est maintenant.
Il y avoit des Seigneries qui en étoient autrefois en possession
légitime, et c'est ce qui résulte clairement de la Chartre d'Henri,
Roi d'Angletrerre, que Cleirac lui-même rapporte (p. 97), et qui
n'est pas d'Henri III, comme il le prétend, mais d'Henri II. On la
trouve transcrite d'une manière bien plus correcte dans le
Recueil de Rymer (t. I, part. 1, p. 12).
Lorsque, sous le Roi Charles IX, les Ecclésiastiques furent obligés,
pour subvenir aux besoins de l'Etat, d'aliéner une portion de leur
temporel, le Chapitre de Saint-André vendit, entr'autres choses, la
Seigneurie de Lege, qui jouissoit du titre de Baronnie; elle fut
acquise par M. Augier de Gourgue; elle passa dans la suite au
pouvoir de M. le Duc d'Epernon. M. de Marboutin, Conseiller au
Parlement de Guienne, est actuellement proriétaire de cette
Baronnie. Il paroît par un titre du 22 Octobre 1362, que Guilhem, ou
Guillaume de la Casa, qualifié Daudet, c'est à dire,
Damoiseau, étoit habitant de la Paroisse de Lege en Buch.
En 1241, les lieux apppellés le Boms et le Frontau
firent le sujet d'une contestation considérable entre le Cahapitre
de Saint-André et Amanieu, Captal de Buch. Ces lieux furent adjugés
à ce Chapitre par Sentence arbitrale du mois d'Avril 1242; ils
étoent dès-lors inondés par les eaux du Bassin, et depuis cette
époque ils n'ont point été découverts, la mer n'ayant fait
qu'empiéter sur la Paroisse de Lege; elle s'étendoit anciennement
jusqu'au canal, appellé à cette époque canal du Bernet, qui
faisoit anciennement séparation de cette Seignerie d'avec le
Captalat de la Teste. Ce canal devoit même rester en commun entre
les deux Seigneurs. On peut juger par là combien la mer a fait de
progrès sur nos côtes.
Henri III, Roi d'Angleterre, par ses Letrres-Patentes datées du 3
Novembre, la vingt-sième année de son regne, permit aux Doyen,
Chanoines et Chapitre de Bordeaux, de tenir marché public à Lege,
tous les Mardis de chaque semaine.
ARTICLE XXXV.
QUARTIER D'IGNAC.
Il est placé dans la contrée de Buch et sur le bord septentrional du
Bassin d'Arcachon. Quoiqu'il ait un rôle de taille distinc et
séparé, il ne forme pourtant pas une Paroisse; il est au contraire
dépendant de celle de Saint-Pierre de Lege; il est néanmoins placé
dans uns Seugneurie et une Juridiction différentes; c'est ce qui
donneroit lieu à penser qu'Ignac pouvoit n'avoir pas toujours fait
parie de la Paroisse de Lege, et que ce n'est qu'après coup qu'il
peut y avoir été uni.
L'Auteur du Dictionnaire universel de la France lui attribue
204 habitans. m. l'Abbé Expilly, dans son Dictionnaire
géographique, y compte 45 feux, qui, à cinq personnes par feu,
suivant le calcul de cet Ecrivain formeroit le nombre de 225
personnes; il y ajoute que cette Paroisse (car c'est la
qualification qu'il lui donne), dépend de la Juridiction de Lacanau;
qu'elle est distante, selon lui, de sept lieues et demie de
Bordeaux. Nous devons ajouter, pour le plus grand éclarcissement,
que la Juridiction de Lacanau est placée dans le Médoc, et qu'elle
appartient à M. le Préside,t de Verthamon d'Ambloy; qu'Ignac, qui
est situié dans la contrée de Buch, dépend de cette Juridiction.
Comment cela se peut-il? C'est à nous à rapporter les faits selon la
vérité, et non à en rendre la raison, lorsqu'elle nous est inconnue.
On pourroit citer de pareils exemples sans sortir de ce Diocese;
mais ce n'est pas ici le lieu de disserter sur pareils objets. Nous
devons dire, dans l'intérêt de la vérité et dans l'état actuel des
choses, qu'Ignac n'est point une Paroisse, mais un quartier annexé à
celle de Lege. Ce qui induit en erreur M. l'Abbé Expilly, c'est que
le quartier d'Ignac ayant un rôle de taille distinct et séparé, il
en a inféré que c'étoit une Paroisse; mais une pareille induction
peut souvent induire à erreur, sur-tout à l'égard de ce Diocese, où
il existe diffens quartiers qui ont un rôle à part, sans pour autant
former une Paroisse distincte et séparée. Nous devons ajouter que la
distance d'Ignac à Bordeaux n'est pas de sept lieues et demie, comme
le pense cet Ecrivain, mais qu'elle est, pour le moins de neuf
grandes lieues.
Le quartie d'Ignac n'est distant que d'un quart de lieue de
l'Eglise; il faut que ce Village soit à l'abri des sables de la mer,
puisque c'est le seul de la Paroisse de Lege (qui en est presque
entièrement infectée), qui en soit exempt.
Jean de Bourbon, Seigneur et Baron de Bazian, d'Audenge et de
Lacanau, étoit aussi Seigneur d'Ignac vers la fin du seizième siecle.
La terminaison en ac du nom de ce quartier, indique qu'il est
d'origine Celtique. Si cet ancien langage subsistoit encore, nous ne
serions pas embarrassé de découvrir la signification du mot Ignac;
car les anciens noms des lieux, qui nous paroissent barbares, en
avoient une, dans le principe, dans le langage où ils avoient été
puisés.
On est redevable à M. Bullet, Professeur-Royal de Théologie de
l'Université de Besançon, et Associé à l'Academie Royale des
Inscriptions et Belles-Lettres de la même Ville, d'avoir entrepris
et exécuté un Ouvrage considérable, pour retirer de plusieurs
Langues vivantes une quantité immense de mots Celtiques qu'elle
avoient adoptés.
Ce Savant, dans ses Mémoires sur la Langue Celtique (chap. 7,
p. 9), prouve, d'après des autorités incontestables, que la langue
Latine s'est formée du mélange du Grec et du Celtique, que parloient
des Colonies Grecques et Gauloises qui s'étoient établies dans le
Latium; d'où il s'ensuit qu'on pourroit retrouver dans la langue
Latine la signification des mots Celtiques que nous ignorons; mais
il faut pour cela qu'il existe une parfaite analogie entre le mot
Celtique et le mot Latin qui nous est connu. Le mot Latin ignis
(par exemple), a une parfaite analogie avec le mot Ignac dont
il est question ici. Ces deux mots sont composés chacun de cinq
lettres, dont les trois premières sont parfaitement analogues
entr'elles; il n'y a que les deux dernières qui forment leur
différente terminaison, dont l'une est Latine et l'autre Celtique.
Au reste, on convient en général que la terminaison d'un mot
n'influe pas pour beaucoup dans signification; celle du mot Ignac
nous est inconnue, mais il pourrait se faire que les trois premières
lettres qui sont communes à ces deux mots, seroient aussi la racine
de l'un et de l'autre, et pour ainsi dire le germe commun de leur
signification : or, la rapprochant du mot ignis qui signifie
feu, il semble que l'on seroit autorisé à inférer que le mot
Celtique Ignac pourroit signifier incendie, ou lieu
incendié par quelque évènement que la chose soit arrivée. Nous
proposons nos conjectures à cet égard; et si on les trouve fondées,
ce sera une ouverture de plus pour découvrir la signification de
plusieurs noms de lieux qui nous paroissent barbares.