La Paroisse de Gujan vu par l’abbé Jacques BAUREIN dans les « Variétés Bordeloises » Volume III, entre 1784 et 1786.

ARTICLE  XXI
 

 

Le texte est intégralement repris comme sur livre de l'abbé Jacques BAUREIN

 

SAINT-MAGNE

Il existe dans ce diocèse deux Eglises paroissiales, érigées sous l’invocation de Saint Magne. L’une est le chef lieu de l’Archiprêtré d’Entre-Dordogne, et l’autre, dont il est ici question, est placé dans celui de Cernès, et dans la partie de cet Archiprêtré qui avoisine les landes de la contrée de Buch. Cette paroisse est annexée à celle de Saint Pierre d’Hostens, dont elle est une dépendance. Elle est desservie par un Vicaire qui y réside, mais dont le logement est placé à une demie-lieue de distance de l’Eglise paroissiales ; il est aisé de comprendre que cet éloignement doit rendre difficile le service de la Paroisse.

 

Il paroît, par des anciens pouilliés, que celle-ci est appelée Saint-Magne de Penne. Cette dénomination nous facilite l’intelligence d’un texte des rôles Gascons, des années 1288 et 1289. Il y est question d’une permission accordée par Edouard, Roi d’Angleterre, à Bertrand de Podensac, Chevalier, de faire construire une maison forte dans le lieu de Penne [Licentia conceditur Bertrando de Poudensaco ; Militi, ad faciendam domun fortem apud Pennam. (Rôles Gascons, années 1288, 1289, tome I, page 22)] ; sans cette énonciation, on seroit embarassé pour retrouver le lieu qui portoit cette ancienne dénomination, et peut être iroit-on chercher, hors de Diocèse, un lieu qui existoit dans son enceinte. Mais l’énonciation de Saint Magne de Penne, est conservée dans des anciens pouilliés, ne laisse aucun doute sur la vraie position où devoit être construite cette maison forte. Il existe encore dans cette Paroisse un château qui, selon les apparences, est celui qu’y fit construire, vers la fin du treizième siècle, Bertrand de Podensac. Un autre texte de ces mêmes rôles vient à l’appui de ce qu’on vient de remarquer. En effet, il y est question, en un autre lieu, de la permission accordée à ce Chevalier, de faire construire cette maison forte dans sa terre de Penne et de Saint-Magne [Pro Bertrando de Podensaco, Milite, licencia faciendi domum fortem in terrâ suâ de Penna et de Sancto Magno. (Ibidem, page 25, rôles des années 1288, 1289.)]. Penne et Sain-Magne n’étoient donc qu’une seule et même terre. Il y a lieu de penser que la première dénomination concerne le lieu où ce château ou maison forte fut construite, et la seconde celle de la Paroisse où étoit placée la terre de Penne.

L’Eglise de Saint-Magne n’a rien de remarquable. Elle est distante de celle de Saint-Pierre d’Hostens d’une grande deme-lieue. Le Bureau d’administration du College de Guienne, comme ayant les droits de celui de la Magdeleine, auquel étoit uni le Prieuré ou Hôpital de Saint-Jacques de Bordeaux, perçoit la grosse dîme de la Paroisse de Saint-Magne. Il n’y existe ni quartiers ni Villages, on y voit que des maisons dispersées et isolées ; le territoire est plat et uni ; il existe beaucoup de lagunes, c’est ainsi qu’on appelle, dans la lande, des espèces de petits lacs. Les lagunes de Saint-Magne ne tarissent jamais, elles sont d’ailleurs très poissonneuses ; en général, le terrein de Saint-Magne est sablonneux, à l’exception de certains endroits où l’on trouve des terreins de graves, propres pour la culture de la vigne, et surtout aux environs du château, où l’on voit de très beaux vignobles.

Il existe, dans cette Paroisse, une vaste étendue de landes qui ne peuvent paroître inutiles qu’aux personnes qui ne sont pas instruites des moyens par lesquels la culture des fonds se soutient dans un pays sablonneux. Ces sortes de fonds, ne sont capables de productions, sans engrais abondans. Or, on ne peut s’en procurer qu’au moyen des troupeaux qui ne trouvent leur pâture que dans les landes dépendantes de chaque Paroisse, ou plutôt des Seigneuries dans lesquelles ces Paroisses sont situées. Ce sont ces mêmes landes qui fournissent la literie nécessaire pour ces engrais. Sans le secours de ces landes, la culture ne pouroît donc pas se soutenir dans ces terreins sablonneux.

Le croiroit-on ? et ceci paroîtra sans doute un paradoxe aux personnes qui ne sont pas instruites des ressources qu’on trouve dans les landes, elles sont plus avantageuses dans leur nature de landes, et sans qu’il faille rien dépenser, que si elles étoient mises à grand frais en culture. Indépendamment qu’on vient de voir qu’il n’est pas possible que les fonds cultivés puissent subsister sans le secours de ceux qui ne le sont pas, les landes servent, pendant la belle saison, pour faire engraisser le gros bétail ; elles procurent d’ailleurs du miel et de la cire, denrées qui ne sont pas à charge aux propriétaires, et qui ordinairement ne se livrent point à crédit.

Les principales productions de la Paroisse de Saint-Magne sont des seigles, des millets, et quelque peu de vins. Elle est bornée vers le midi, par la Paroisse d’Hostens ; vers le couchant, par celle de Beliet et du Barp ; vers le nord, par celle de Saucats, et vers le levant par celles d’Hostens et de Villagrains. Saint-Magne est placé à la distance de six lieues de Bordeaux, de cinq de Villandraut, et de quatre du port de Portets. Cette Paroisse a trois lieues de circonférence. L’endroit appellé Douance, qui est le plus éloigné de l’Eglise, et placé à son nord, en est distant d’une lieue et demie. On ne peut faire parvenir les lettres à Saint-Magne, que par des commodités particulières. Les mêmes routes qui traversent la Paroisse d’Hostens, traversent également, du midi au nord, celle de Saint-Magne, ensorte qu’on y voit passer quantité de Bouviers des landes, qui viennent des Sénéchaussées étrangères. Il se tient tous les ans une foire à Saint-Magne, le second jour du mois de novembre.

Les habitans de cette Paroisse, au nombre de cinq cens communians, ou environ, forment cent onze feux. Ils sont uniquement occupés à la culture de leurs terres, ou à la garde de leurs troupeaux. Ils étoient anciennement de condition serviles, c'est-à-dire serfs questraux, pour se servir du terme usité dans ce temps là.

On a déjà vu que Bertrand de Podensac, Chevalier, fit construire, vers la fin du treizième siècle, une maison forte, dans sa terre de Penne ou de Saint-Magne. Il y a lieu de penser que Miramonde Calhau, fille de Bertrand Calhau, ancien Citoyen de Bordeaux, qui, dans le siècle suivant, se qualifoit Dame de Podensac, avoit été l’héritière du Seigneur de ce nom ; au moins paroît-il que Bertrand d’Escoussan, Chevalier, son mari, exerçoit des droits sur la terre de Saint-Magne. Il paroît que, dans ce temps là, on y exécutoit les Jugemens rendus en matière criminelle, et c’est, selon les apparences, le droit d’y faire exécuter les Sentences rendues en pareille matière, dans la Juridiction de Saint-Magne, que demandoit au Roi d’Angleterre, Bertrand d’Escoussan, qui paroît avoir été Seigneur de Saint-Magne. C’est au moins ce qui semble résulter du texte suivant de ces rôles. [Pro eodem Bernardo (de Scossano) habendo executuines Juridiciorum, in causis criminalibus, in rivo de Calemort, infra Juridctionem, in loco de Sancto-Magno, infra Parrochiam de Oustens(Hostens)]. La Seigneurie de Saint-Magne a appartenu, pendant long-temps, à la Maison d’Agez ; elle appartient maintenant à M. de Cazenave, qui l’a acquise de M. le Marquis de Pons, qui la tenoit lui-même des Seigneurs d’Agez, qui l’ont possédée pendant plusieurs siècles.

Pour terminer en ce qui concerne la Paroisse de Saint-Magne, on croit devoir ins »rer ici l’estrait suivant, d’un état fourni sur cette Paroisse, en l’année 1770, par lequel il paroit…..

1° Qu’il existoit pour lors, dans la Paroisse de Saint-Magne, 145 feux ; ce qui supposeroit une population plus nombreuse que celle que nous avons donnée ci-dessus, d’après les Mémoires qui nous ont été fournis. Nous rapportons ici les faits, sans garantir autre chose que la sincérité de l’extrait…..

2° Que les habitans de cette Paroisse contractent, pendant l’été, une maladie appellée le pourpre, ce qu’on attribue à la mauvaise qualité des eaux que l’on y boit….

3° On ajoute que le presbytère qui est placé, ainsi que nous l’avons observé, à une demi-lieue de l’Eglise, étoit anciennement auprès du cimetière. On n’explique pas, dans cet état, la raison de son éloignement actuel….

4° On ajoute que la Paroisse de Saint-Magne a dix lieues de circonférence ; on y comprend sans doute la totalité des landes dépendantes de la Seigneurie de Saint-Magne. La haute Justice et la Féodalité de cette Paroisse appartiennent au Seigneur.

 

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