La Paroisse de Gujan vu par l’abbé Jacques BAUREIN dans les « Variétés Bordeloises » Volume III, entre 1784 et 1786. ARTICLE XXXIII
SAINT-MAURICE DE GUJAN |
Le texte est intégralement repris comme sur livre de l'abbé Jacques BAUREIN |
« Voici un exemple de la substitution de Saint-Maurice à l’ancien titulaire de l’église ou Paroisse dont nous nous proposons de parler. On peut consulter les observations que nous avons faites dans le cinquième volume de cet ouvrage, à l’occasion de Saint-Maurice de Beliet (t. III, p.200). Nous y avons déjà observé que la Paroisse dont il est maintenant question, étoit dans le même cas. En effet, dans les anciens pouillés, tant imprimés que manuscrits, de ce Diocèse, on ne trouve point d’autre Saint Patron de l’Eglise de Gujan, que Saint Exupère ; les Appeaux, même Synodaux, des années 1708 et 1731, ne lui attribuent point d’autre Saint Titulaire. Ce ne peut donc être que depuis cette dernière époque que ce changement peut être arrivé. Mais comment une pareille substitution a-t-elle été faite ? Car il n’est pas au pouvoir d’un Particulier d’opérer ce changement. C’est un usage constant, que les Eglises continuent invariablement à subsister sous l’invocation de Saint Titulaire qu’elles ont eu dès le commencement. Saint Maurice est sans contredit un Saint dont la mémoire est très-respectée dans l’Eglise, qu’il a édifié par la fermeté de sa foi et par la constance de son martyre ; mais ce n’est pas une raison pour l’établir titulaire de deux Eglises paroissiales, qui dès le principe avoient été érigées sous l’invocation d’un autre Saint. Qu’il soit permis de le dire, il semble que c’est une espèce de mépris qu’on fait de celui-ci. Saint Exupère, qui étoit un digne Prêtre de l’ancien Clergé de ce Diocèse, ne devroit pas, ce semble, y être inconnu. Il a édifié l’Eglise de Bordeaux par ses lumières et ses vertus ; et leur éclat étoit si grand et si généralement reconnu, qu’il fut choisi et appelé pour gouverner, en qualité d’Evêque, celle de Toulouse, où sa mémoire est en vénération. Il étoit respecté par les plus grands personnages de l’Eglise. Sa sainteté, même dès son vivant, étoit reconnue, et elle ne sauroit être équivoque. On ne voit donc pas la raison pour laquelle on a prétendu substituer un autre Patron aux Eglises de Beliet et de Gujan, qui sont érigées, dans le principe, sous l’invocation de Saint Exupère. On n’étendra pas plus loin ces observations ; on les soumet, au contraire, au jugement des personnes éclairées, et qui étant en place, sont en droit de s’informer de la vérité des faits, d’examiner si cette substitution est légale, et dans ce cas, de statuer ce que leur prudence et leurs lumières leur dicteront à cet égard. Si M. l’ancien Curé de Gujan eût jugé à propos de répondre aux questions qui lui furent envoyées dans le temps, ainsi qu’à tous MM. Les Curés du Diocèse, on seroit en état de parler plus en détail de tout ce qui concerne cette Paroisse. Son Eglise paroît ancienne et spacieuse, elle est en état de contenir au moins douze cens personnes. On voit des piliers de forme ronde, qui séparent la nef d’avec les collatéraux, ce qui suppose, ou que cette nef étoit anciennement voutée, ou au moins que c’étoit dans cette intention qu’on avait fait construire ces piliers. Quoique cette Eglise ne soit que lambrissée, elle est pourtant belle, bien décorée est très bien entretenue. Indépendamment du maître Autel, il y en a deux autres, un dans chacun des collatéraux ; on les apperçoit tous trois en entrant dans l’église. Le frontispice de la propre entrée de celle-ci est d écoré par les armoiries d’un ancien Captal de Buch, accompagnées des attributs de ses dignités, le tout en sculpture très-bien exécutée. La Cure de Gujan a été anciennement unie à l’hôpital de Saint-Jacques de Bordeaux, et celui-ci au Collège de Magdeleine. Cette Cure n’est donc qu’une Vicairie perpétuelle. C’est à ce Collège qu’appartient la dîme de cette Paroisse. Ses principaux quartiers ou Villages, sont : Le Bourg.... Mestras.... Mestrasseau.... Haurat…. Daney…. Mayran…. La Ruhade. Elle est située dans l’étendue de l’Archiprêtré de Buch et Born, sur la rive méridionale du Bassin d’Arcachon ; en sorte que ses habitants sont principalement occupés de la pêche, soit dans ce Bassin, soit dans la mer océane ; aussi les hommes ne s’appliquant qu’aux objets qui concernent la pêche, abandonnent aux femmes la culture des champs. La Paroisse de Gujan dépend de la Juridiction de La Teste. M. de Ruhat, en qualité de Captal de Buch, en possède la haute justice, et en est d’ailleurs Seigneur foncier et direct. L’Auteur du Dictionnaire universel de la France y comptoit en 1726, mille soixante-dix-huits habitants. M. l’Abbé Expilly lui attribue 445 feux, ce qui, à cinq personnes par feu, formeroit le nombre de 2225 habitants. On doute si la Paroisse de Gujan est aussi peuplée. Au moins des personnes qui la connoissent, n’y compte qu’environ quinze cens habitants. Cette Paroisse est située dans un pays plat : elle est séparée de celle de La Teste, qui est à son couchant, par le ruisseau appelé la Hume ; elles sont distantes entr’elles par l’espace d’une grande lieue. Gujan n’est cultivé qu’en partie. On comprend très bien que les habitants d’une Paroisse placée sur un Bassin d’une grande étendue, et qui communique d’ailleurs avec l’Océan, retirent moins leur subsistance de la terre que de la mer ; aussi ne faut-il pas être surpris si la majeure partie de la Paroisse de Gujan consiste en des landes qui s’étendent jusqu’à la Paroisse de Casaux. Qu’on ne s’imagine pas, en entendant ce mot Landes, que ce soit un terrein perdu et inutile. Il est plus essentiel qu’on ne pense pour la pâture des bestiaux, et particulièrement pour les brebis qui se plaisent dans ces sortes de déserts, et qui y trouvent une nourriture plus saine que partout ailleurs. La partie qui est en culture consiste en terre labourables, en vignes et prés salés, situés vers le Bassin. Gujan est placé à la distance d’environ cinq lieues de la Croix de Heins, et de neuf de Bordeaux, où ses habitants et ceux de la Teste et des autres Paroisses voisines du Bassin, apportent le poisson pendant le cours de l’année. Le noble Seigneur Pierre Amanieu de Bordeaux, Chevalier, Captal de Buch, par conséquent Seigneur de Gujan, qui est une des dépendances de ce Captalat, fonda, par son testament du 20 Mai 1300, une Chapellenie dans l’Eglise de Comprian, pour la dotation de laquelle il assigna vingt-cinq livres Bordeloises de rente, qui doivent être prises sur les cens et rentes que ce Seigneur percevoit dans le Village de Mestras, situé, ainsi qu’on l’a déjà observé, dans la Paroisse de Gujan. Les Seigneurs de Grely, de Foix, de Candale, l’ont également été de la Paroisse dont il est ici question, en qualité de Captaux de Buch. » La première publication par l’abbé Baurein lui-même s’échelonna de 1784 à 1786. Le texte ci-dessus est l’intégralité de la publication de 1876, qui était la 2ème édition de Féret, édition dans laquelle le préfacier s’exprimait ainsi : « Le livre de l’abbé Jacques Baurein est certainement un des plus instructifs et intéressant qui est été publié sur Bordeaux et sur la Gironde »
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