J’ai toujours entendu, puis lu, que Técheney puisait ses racines en langue d’Oc. Il paraîtrait que ce nom de famille viendrait de "tisserant". Teychené (Téishenèr) vient du verbe Téisher qui signifie tisser. Qu’à cela ne tienne. Au fur et à mesure de nos recherches, comme tout le monde, nous remontions le temps. Mon arrière-grand-père, après avoir servi sous Napoléon III durant 13 ans comme zouave de l’armée impériale (voir article précédent dans le bulletin N°43), avait donc pris famille et bagages pour délaisser son pays d’origine, l’Ariège, et venir fonder une branche des Técheney "Madounet" sur les bords de la Gironde. Extrait de mon livre : « à la croisée des chemins » : "Aux archives départementales de l’Ariège notre surprise est de découvrir autant de sobriquets dans les actes paroissiaux. Les puristes vous diront que le nom était suivi d’un surnom puis d’un sobriquet. "Madounet" serait un surnom. Au fil des pages des livres d’état civil, on constate un nombre impressionnant de Sutra, Téchenné et Piquemal. Tous sont regroupés dans un, deux ou trois villages parfois seulement des quartiers et sont totalement absents d’autres lieux. De plus, sur une même génération, je retrouve trois Piquemal, et des Téchené mariés avec des Téchené, parfois avec les mêmes prénoms. La population était si nombreuse qu’il fallait bien les différencier. Au XIXème siècle, le Couserans est surpeuplé. Par exemple, en 1851 Boussenac* comptait 2825 habitants et seulement 187 en 2006 ; pour Massat*, en 1831, à son apogée, 9322 habitants et 588 en 2000. Chaque nom est suivi d’un surnom qui est souvent un lieu tel que Garrigue ou Colle, ou une caractéristique telle que Roquefort, Chiquet ou Pescayre. Je trouve dans mes ancêtres : Piquemal La Cerbolle, Pagès Garrigue ou Sutra Colle (mon arrière-grand-mère). Dans les actes Colle est un lieu-dit. On ajoutait un sobriquet ou un diminutif, parfois humoristique, pour préciser l’individu de la famille exemple : Jean Técheney Barjot de Pille. Barjot ne voulant pas dire, comme on pourrait le croire, fou, mais ce surnom indique l’origine des Técheney et c’est un lieu-dit sur la commune de Boussenac et Pille précise la branche. Souvent on appelait la personne par son prénom et le sobriquet, dans le cas présent c’était Jean de Pille. Garbaye était un sobriquet et signifiait gerbe de blé, Bourrut signifiait un joueur de carte ; la bourre (le jeu). Les surnoms, tel que Madounet, étaient inscrits officiellement sur les actes et non les sobriquets. * Chiffres indiqués par " histariege" avec le concours des communes." Les Teychené viennent de l'Ariège, plus précisément de la vallée de Massat, traversée par le torrent de l’Arac, et encore plus précisément de la commune de Boussenac, ancienne seigneurie qui a aujourd’hui du mal à survivre. Si durant vos vacances vous passez par là, ne cherchez pas la mairie au "village" de Boussenac, non, elle est située sur la route du Col de Port à Espies et contrairement à tous les villages de France l’église n’est pas à côté ni en face de la mairie, vous la trouverez beaucoup plus loin et beaucoup plus haut (près de 1000 mètres) au hameau de Rieuprégon (ruisseau profond) construite en 1772. Rappelons qu’en 1800 la population était dix fois plus importante et les infrastructures des villages n’étaient pas celles d’aujourd’hui. Si vous regardez une carte actuelle au 25/1000 vous serez surpris de lire en gras les villages de MASSAT, BIERT, LE PORT comme tous les autres villages de France mais vous ne trouverez pas BOUSSENAC. Boussenac est seulement un hameau mais par contre au même titre que FORÊT DOMMANIALE ou MASSIF DE… vous trouverez COMMUNE DE BOUSSENAC en travers de la carte. D’une surface de 2600 hectares, c’est sûrement une des communes possédant le plus de hameaux. En 1851 sa population est de 2825 âmes. C’est une commune étrange. Autre particularité pour un généalogiste, les registres les plus anciens ne remontent pas au-delà de 1790. Les recensements de 1696 m’indiquent que Massat n’a que deux Teychene dont un « Teychené Pierre, tisserand, l’est encore mais il est pauvre. ». Sur place, lors de notre première découverte des lieux, nous posons des questions aux habitants, nous rendons visite aux mairies de Massat et de Boussenac et nous constatons qu’il est difficile de rencontrer des Técheney et encore moins des "Madounet". Au cimetière de Massat, nous trouvons pourtant un caveau toujours entretenu avec l’inscription "TEYCHENNE MADOUNET".Mes origines seraient bien de Massat mais pourquoi Madounet ? Personne n’a la réponse. Aujourd’hui, à Massat, aucun habitant n’est un Madounet. Tous nos actes d’état civil nous donnent des Teycheney Madounet nés à Boussenac "Le Magret". Le chaudron de la "branche" se situe bien dans cette commune mais ils sont enterrés à Massat. Suite à nos investigations nous découvrons que Boussenac nous réserve d’autres surprises que celles indiquées plus haut : Boussenac n’a pas de cimetière. Il fait bon vivre à Boussenac. Relief trop pentu, pas de place pour des sépultures. Les morts sont donc enterrés à Massat, sur l’autre rive de l’Arac. Nous traversons ce gentil ruisseau et nos recherches nous mènent au lieu-dit "Serre de Colle". Et oui, mon arrière- grand-mère était une Sutra "Colle". Nous brûlons. En consultant les cartes de Cassini, sur les conseils de M. Cabau, rédacteur du Petit Journal de Massat, nous trouvons le hameau "Lecole", celui de "Vigne" mais aussi et surtout celui de "Madounet" représentés par le symbole d’une maison au même titre que Boussenac. "Le Magret" n’est pas mentionné. Au XVIIIe siècle, il existait donc un hameau qui se nommait Madounet et Boussenac n’était qu’un hameau dans la seigneurie de Boussenac. La commune de Boussenac fut créée après la Révolution. Le Petit Journal de Massat nous relate aussi l’affaire des 51 vaches. Le 16 juin 1782, Jean-Paulet del Vignas comparaît devant la justice royale, «Il travaillait à la métairie des Vignas» (sur la carte de Cassini nous avons vu le hameau de Vigne). Il est rapporté qu’en fait « il s’agissait de Jean-Paulet Teychené, habitant du hameau de Madounet dans la seigneurie de Boussenac ». Il est précisé que « Jean-Paulet del Vignas était son appellation usuelle ». Encore une preuve de l’existence du hameau de Madounet ainsi que l’importance du surnom. Le cadastre de 1819 est riche en renseignements puisqu’on peut lire "Le Magret" et juste à côté, "Coumes de Madounet" et un peu au-dessus, "Le Teychené" (c’était l’orthographe de mon arrière-grand-père). Une bâtisse est représentée sur chaque parcelle, elles sont voisines. Enfin, j’y suis. Nouvelle visite à la mairie de Boussenac. Nous consultons le cadastre actuel et notre surprise est grande de découvrir que la "Coume de Madounet" existe toujours ainsi que le lieu-dit "Teychené". "Le Magret", lui, est un hameau bien vivant qui n’existait pas sur les cartes de Cassini.
Peut-être qu’au cours des années l’orthographe se modifiant, le nom s’est transformé de Madounet en Magret, seul le hameau "les Coumes" a résisté au temps. La mémoire collective a oublié ces deux noms. Aujourd’hui, Coumes de Madounet est appelée "Chez Julien" mais il n’y a pas de fumée sans feu. La secrétaire de mairie qui habite aussi "là-haut", nous précise qu’elle a bien connu Julien mais que bizarrement il ne s’appelait pas Julien mais Aurélien Teychené. Nous trouvons son acte de naissance : Teychenné Aurélien est né le 2 décembre 1898 au Magret. Son père est un Jean Teychenné Madounet du Magret…Nous allons sur place. Nous visitons le hameau du Magret et nous rencontrons des Teychené. La topographie a changé, les routes n’ont pas repris tout à fait les tracés des chemins du XIXe siècle mais après une randonnée dans la jungle ariégeoise nous atteignons les deux maisons mentionnées sur le cadastre. Ce sont des ruines mais notre cœur palpite, une pierre contre le mur à côté de la porte, nous nous asseyons. La forêt a repris ses droits, l’horizon est bouché. J’ai un pincement au cœur. Combien de Teycheney Madounet se sont assis sur cette même pierre ? Et depuis combien de temps ? Autrefois, on a pu donner le nom de Teychené à ce lieu car un tisserand y vivait, puis ce lieu donna un nom à ceux qui continuèrent d’y habiter, ou tout simplement le premier habitant sur ce lopin de terre se nommait Teychené Madounet et venait d’ailleurs. Mes ancêtres étaient pâtres. Dans cette vallée, nous avons vu des photos et appris que depuis très longtemps la culture du lin envahissait les flancs de la montagne et se les disputait avec la vigne et les céréales. Les tisserands devaient tisser du lin. Le tisserand n’était pas forcément un pâtre qui tissait la laine. En conclusion, retrouver ses origines demande : de lire attentivement les actes paroissiaux, de déchiffrer les noms des "lieux-dits" souvent mentionnés, de consulter les cartes de Cassini, le cadastre Napoléonien et ceux qui ont suivi, ceci aux archives départementales et les cadastres actuels en mairie, de se déplacer sur le terrain avec une 25/1000 IGN, de discuter avec les habitants, de visiter les cimetières, de se rapprocher d’érudits locaux comme Monsieur Cabau, d’utiliser les archives des communes concernées et de consulter les écrits d’autres découvreurs. Bonnes recherches.
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