Les archives militaires |
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Dans le dernier bulletin, je vous ai présenté l’aventure que j’ai vécue
en découvrant Valentin Heurtebise, Père Blanc Missionnaire d’Afrique.
Le
19 octobre 1937 mon père est incorporé et affecté au 121ème
Régiment d’Infanterie à Montluçon avec le numéro matricule 1226. Le
lendemain il en est de même pour un certain Lalubin René. Ils ne se
quitteront plus. Mais voilà, au moment d’être libérés, c’est la
déclaration de guerre et le 2 septembre 1939 ils sont affectés à la 3ème Compagnie.
Au début de l’année 1940, André sera malade deux fois et connaîtra
l’hôpital des Sourdes et Muettes de Bordeaux (qui deviendra l’Hôtel de
police de Castéja) rue de l’Abbé de l’Epée, puis celui de La Réole.
C’était de mauvais augure. La guerre, prisonnier.
Les
Allemands n’ont pas fait dans la demi-mesure et un mois après, jour pour
jour, ils sont faits prisonniers à Audruicq, prés de Calais.
On
l’appela la ″Drôle de guerre″. Drôle de guerre pour les journalistes,
chroniqueurs ou commentateurs politiques mais pas si drôle que ça pour
ceux qui furent pris dans la nasse du Nord et encore pire pour ceux qui,
encerclés dans la poche de Dunkerque sans pouvoir monter dans les
bateaux anglais, périront sous les tirs et bombardements de l’aviation
allemande. Mon père et les futurs locataires des stalags traverseront la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne à pied, puis, dans des camions et des wagons à bestiaux pour traverser la banlieue berlinoise et enfin arriver le soir du 6 juin à Fürstenberg sur Oder. Un camp est en construction, son nom : le Stalag III B. Notes : Dans un livre extraordinaire Pî 8, l’Abbé Charpentier décrit parfaitement ce qu’il a vécu sur la route de la captivité. Certains éléments ci-dessus sont puisés dans ma mémoire nourrie par mon père, d’autres viennent du récit de l’Abbé Charpentier. Un mois plus tard c’est au tour de Gabriel, frère d’André. Après son service militaire, il est rappelé sous les drapeaux et fait prisonnier le 27 juin 1940 dans les Vosges. Il sera transféré au Stalag VIII jusqu’ à la libération. Revenons à André et René. Ils sont donc au Stalag III B, pas très loin de la frontière Polonaise. André reçoit le matricule 27450. Les hivers y sont rigoureux. René est agriculteur et les fermes allemandes sont désertées par les hommes partis au front. Ils sont tous les deux affectés dans une ferme, un moindre mal. Au dire de mon père, qui parlait très peu, j’ai cru comprendre que la fermière ne lui fût pas indifférente ou peut être l’inverse ou réciproquement. Allez donc savoir. Chaque prisonnier avait signé un document comme quoi il s’engageait à ne pas avoir de relation avec une Allemande, donc la race Aryenne pouvait être tranquille... On apprendra plus tard qu’environ 5 000 prisonniers français sont restés en Allemagne pour se marier.
Maladie et libération Ses ennuis de santé
qui s’étaient révélés à Bordeaux au début de 1940 n’allaient pas
disparaître par enchantement surtout lorsqu’on saura, à la libération,
qu’il était atteint d’un diabète avec dénutrition. Il décide de s’évader
deux fois mais il est repris et bien entendu le travail à la ferme est
suspendu. La maladie toujours présente fait que le 16 décembre 1943 il
est inscrit sur la liste 122130 pour quitter le stalag III B. Le 20
décembre lorsqu’il monte dans un wagon, il n’est pas seul. Ils sont 336
malades et blessés rapatriés par le train sanitaire N° 160. Je m’imagine
que ce train devait ressembler à celui de l’aller et qu’il ignorait sa
destination. Toujours est-il que, vu la connaissance que nous avons
aujourd’hui des conditions de vie dans les camps de prisonniers et du
peu d’humanisme des geôliers, il me semble que dans son malheur mon père
a eu la chance (toute relative) de se retrouver rapatrié à l’hôpital
Charras (Hôpital de triage à Courbevoie, Seine), de rester en
convalescence 5 mois, d’être démobilisé le 2 mai 1944.
Comment avons-nous pu reconstituer le puzzle ?
En
rangeant des vieux papiers chez ma mère, je découvris la fiche de
démobilisation de mon père indiquant son dernier corps d’affectation :
le 121ème RI. Il était voltigeur et fut fait prisonnier à AUDRUIC le 24
mai 1940. Dernier camp, STALAG III B. Libéré malade le 20 décembre 1943,
mais libre seulement le 2 mai 1944. Je venais d’avancer d’un grand pas.
Encore une preuve comme quoi il est nécessaire de bien fouiller, de
regarder, d’écouter et de chercher au sein de la famille.
Pour le cas de mon père, beaucoup d’informations nous ont été
communiquées par le «Bureau des archives des victimes des conflits
contemporains», rue Neuve Bourg l’Abbé à CAEN et les «Archives
Nationales Hôtel de Soubise» rue des Francs Bourgeois à PARIS possèdent
beaucoup de documentations et témoignages sur les STALAG. Au-delà de la chasse à l’ancêtre, si nous voulons connaître le vécu de nos aïeux, il nous sera nécessaire d’affronter la jungle des archives militaires. Je citerais : les trois armées au Château de Vincennes, Fontainebleau, le BCAAM Caserne Bernadotte à Pau, les conflits contemporains à Caen, la Légion étrangère à Marseille, la Gendarmerie à Maisons-Alfort, les archives hospitalières à Limoges, les anciens combattants à Paris, les douaniers à Bordeaux, pour les Français recensés à l’étranger : Nantes, pour l’Algérie : Aix-en-Provence, les ambulanciers et infirmiers : Genève, Armée de l’Air : Dijon, marins : Toulon, Archives Nationales à Paris, Lorient, Rochefort, Brest, Châtellerault, Cherbourg …et bien entendu les mairies et les archives départementales. Pas facile de s’y retrouver mais un petit dossier est consultable au cercle de généalogie, pensez-y. Souvent nous ignorons ce que les archives contiennent et ce qu’elles peuvent nous apporter. Une fois de plus Internet donnera de nombreuses pistes et des adresses pour consulter les archives, mais pour connaître les horaires et conditions, interrogez les sites officiels.Yvon Técheney
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