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Quel est
celui ou celle qui au cours de sa scolarité n’a pas entendu parler de
l’élaboration des cahiers de doléances, cahiers rédigés à la demande du
roi Louis XVI par une ordonnance du 24 janvier 1789. Ils concernent
chacun de nous puisqu’ils ont été rédigés dans toutes les communes de
France. Il en reste aujourd’hui à peu près 60 000. Il est fort dommage
que certains aient disparu.
En Ardennes comme partout en France des cahiers furent rédigés. Mais
ceux des Ardennes me touchent plus particulièrement car c’est de cette
région que sont originaires certains de mes ancêtres et en particulier
du village d’Hauviné, à la limite sud du département actuel.
J’ai bien entendu demandé la copie de ces cahiers qui étaient déposés
aux A.D de la Marne. En 1789 avant la création des départements, Hauviné
faisait partie du canton de Beine-Nauroy au nord de la Marne, ceci
expliquant que ces documents soient conservés dans ce lieu. Le 8 mars 1789 les villageois « réunis au son de la cloche sonnée à la fin de la messe de la paroisse ……pour dresser nos cahiers de doléances, plaintes et remontrances du tiers état et nommer des députés choisis parmi les plus notables …»
Extrait du procès verbal du 8 mars 1789 Dans un premier temps ils décrivent l’état du village :
Sa situation géographique
Son environnement, en l’occurrence riant mais peu fertile relativement à
la composition d’une terre qui ne peut produire que seigle, avoine et
sarazin. Le froment n’est possible que si le terrain « regorge
d’engrais » et de toute façon ne donne qu’une récolte tous les 3
ans. Il est à noter que les années précédant la Révolution ont été des années de grande misère, famine liées à de très mauvaises récoltes et conditions atmosphériques. A propos des « Impositions royales » :
« Chaque individu doit payer pour la reconnaissance envers son
souverain » mais ils déplorent que le Tiers Etat soit seul écrasé
par le poids du nombre infini d’impositions à l’inverse de la noblesse
et du clergé. Pour augmenter les revenus de l’Etat ils suggèrent
d’imposer ces 2 Ordres. Concernant « l’impôt des gabelles » : « Hauviné dépend de la Grande Gabelle et paie le sel à la valeur maximale alors que des communes dans le royaume ne le paient que le 5ème ou le quart. Pourquoi pas un prix unique et la vente libre dans tout le pays pour le sel et le tabac ? Dès lors, le service de 30000 employés serait évité et pourrait être versé dans les Arts et le Commerce. Les Douanes établies pour la Sûreté du Commerce aujourd’hui sont nuisibles et ne produisent à l’état que de faibles ressources. Il serait préférable d’établir aux frontières des bureaux auxquels on paierait des droits rendant libre la circulation des marchandises étrangères et nationales à ceux qui les auraient acquittés ».
Ce café était sûrement celui de Pierre Antoine Guilpin, peut-être la population s’était-elle réunie là pour rédiger les cahiers de doléances ? Pour ce qui est du Commerce :
Pour
faciliter la vente des étoffes de laine venant de Hauviné et des
paroisses voisines, pourquoi ne pas créer à Reims, principal acheteur,
un magasin, et y commettre des commis plutôt que d’acheter à des « facteurs »
qui s’enrichissent aux dépens des artisans.
Sur la justice : qui « n’est toujours qu’une mais qui est multiple
par l’interprétation des us et coutumes » : L’Etat militaire est également étudié : La levée des milices se fait dans un point central du département. D’où une grosse difficulté par rapport à l’inégalité des distances. Pourquoi ne pas envisager une levée dans chaque paroisse ?On souhaite le rétablissement de la maréchaussée pour la sécurité. Police de la Province :
Les habitants souhaitent que « lors de travaux dans leur paroisse,
des adjudications soient faites devant le corps municipal présent
évitant ainsi des dépenses énormes ».
Quant à l’Etat ecclésiastique, Telles sont les très humbles et très respectueuses plaintes et remontrances du tiers état de la paroisse d’Hauviné suppliant Sa Majesté d’y avoir égard à ce que de raison.
Ces écrits recueillis dans ce lointain village de France doivent sans
nul doute ressembler à ceux qui ont été rédigés au Sud, à l’Est, à
l’Ouest ou au Nord de notre pays. Ils retracent ce que le peuple
déplorait mais aussi le respect et la confiance qu’il avait envers le
Roi. Dans leur réflexion, ces villageois m’ont paru faire preuve d’une
grande maturité, je dirais, politique, de sagesse et de modération.
Nulle trace de violence, mais plutôt, analyse des situations, des
problèmes et, après ces analyses, propositions de solutions. Je ne veux faire ni de polémique, ni de comparaison avec notre époque à aucun point de vue. J’ai simplement retracé les pensées de nos ancêtres et du mien, Pierre Antoine Guilpin marchand cabaretier, mort dans les Ardennes Françaises après la Révolution de 1789. |
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