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DE L'ODEON AUX ABATILLES |
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Un jour, un soir ou un matin, si vous vous promenez du
côté de la ville d’hiver à Arcachon, allez aux Abatilles, empruntez
l’avenue Guy de Maupassant (anciennement allée de la SICA) en direction
du Moulleau et arrêtez vous au N° 36. Une belle plaque en laiton,
vieille de plus de 80 ans, "SOUS LES PINS",
vous regardera. Il y a 60 ans c’est Yvonne Heurtebise et Paul Gavault
qui vous auraient souri. Qui étaient-ils ? Raison de mon article, ma
marraine et mon parrain d’où mon prénom composé : Yvon-Paul. Vous me
direz « mais encore ?». Je vous répondrai « bien plus ».
Yvonne a élevé ma très chère maman (voir l’article page 23 du bulletin
N°37) et se trouvait être propriétaire des deux villas aux N° 36 et
36bis avant la dernière guerre. |
Elle en fit une pension de famille et l’occupa jusqu’à sa
mort.
Elle en fit une pension de famille et l’occupa jusqu’à sa
mort. Elle avait un ami, Paul Gavault, (parisien) qui venait souvent se
reposer ou simplement goûter le plaisir d’être avec Yvonne, de retrouver
son filleul et de profiter du Bassin qu’il appréciait beaucoup pour son
calme.
Paul n’a pas
eu de descendance. Aujourd’hui il est tombé dans l’oubli. N’existant pas
de biographie à son sujet et ignorant presque tout de lui, nous nous
sommes lancés dans des recherches avec des résultats parfois
surprenants. |
Je vous présente Paul Gavault : |
Gavault,
Paul, Armand, Marcel. Officier de la Légion d’Honneur. Homme de lettres.
Directeur du théâtre de l’Odéon. |
Naissance:
Pour certains journalistes, il est né à Paris,
pour d’autres né à Alger
en 1867.
En réalité, il est né 1er septembre 1866 à 10
heures du matin, 49 Lemercier à Paris 17ème
et non à Alger.
Ref : AD de Paris N° 49 V4E
2035.
Témoins : Ernest Gabriel Deleval 43 ans chef d'escadron d'artillerie,
chevalier de légion d'honneur, oncle de l'enfant et Théodore Eugène
Juillet St Lager 56 ans, officier en retraite, aïeul de l'enfant.
Père :
Martial, Jean, Emile, employé, 38 ans, libraire.
Mère :
Juillet St Lager, Berthe, Adélaïde. 23 ans, libraire.
Mariage :
le 5 mars 1891 à Oran avec Marthe, Emma Zimmerman née le
19 avril 1870 à Oran. A notre connaissance ils n’ont pas eu d’enfant.
Décès :
le 25 décembre 1951 à Paris.
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Paul a un frère,
Pierre André Louis Ernest né le 18-12-1864 à Paris 17ème.
Témoin Silvain Pierre Bonnaventure
Gavault
71 ans, aïeul.
Pierre,
architecte et inspecteur des monuments historiques d’Algérie.
Une sœur,
Magdeleine Gabrielle née le 14 octobre 1871 à Alger, se marie à Alger le
8 novembre 1892 avec
Fournel
Jean Charles Paul, né le 12 avril 1867 à Paris. Il est administrateur de
commune mixte attaché au gouvernement général. Ils ont 2 enfants Jacques
Emile et Simone Berthe qui ne vit qu’un an.
Magdeleine divorce en 1897 et se remarie le 17 octobre 1908 à El Biar
avec Charles Edouard
Voreaux.
Marthe Emma a une sœur
Marie
Marguerite,
née à Oran le 1er août 1865. Elle se marie le 3 décembre 1887 à Oran
avec Edmond Marie Louis
Lerebourg
né le 29 janvier 1858 à Philippeville (Constantine). Il est préfet du
Lot à Cahors le 24 juillet 1907 puis à Oran le 11 janvier 1909. Il
décède en 1913. Marie meurt sous les bombardements de Guéret le 17 juin
1940, jour du discours de Pétain prêt à signer l’armistice. (Source :
correspondance Paul et Yvonne Heurtebise).
Deux frères, Maurice Jacques né le 4 décembre 1866, marié avec Juliette
Marie Adèle
Darru
et Henri Auguste né le 17 juin 1872 à Oran. Un des deux
Zimmermann
sera aussi
préfet.
Leur père François Zimmermann est directeur de la feuille satirique "Le
Charivari Oranais et Algérien". Marie Zimmermann et deux autres auteurs
femmes écrivent dans cet hebdomadaire sous le pseudonyme "La Tia
Bolbassa".
Paul Gavault, licencié ès lettres et en droit, est avocat et commence
une carrière de haut fonctionnaire à Alger comme attaché au ministère
des Colonies en 1891 puis chef de cabinet du préfet.
Paul s’évade de la
préfecture en écrivant "Le guet-apens" et devient auteur dramatique.
Mais il n’est pas homme à s’en laisser conter, il suffit de lire un
extrait d’article paru dans le Figaro du 16 février 1895 au sujet d’un
affaire qui dura deux ans : « Qu'en
rappelant
la
correspondance
échangée
par
lui
à
cette
époque
avec
M.
Paul
Gavault
(le
Laitier),
il
s'est
plu
à
rappeler
aussi
que
M.
Paul
Gavault
lui
avait,
à
cette
occasion,
adressé
des témoins ; »
Signé : George Duruy ».
Paul
Gavault fût un des auteurs les plus joués et les plus applaudis de
1896 à 1914. La presse de l’époque écrivait qu’il était un auteur
heureux car il comptait de nombreux succès, entre autres, "Ma Tante
d’Honfleur", "Le bonheur sous la main" ou "La petite chocolatière".
Critiques
relevées en 1912 à l’occasion de la sortie de la pièce "Le bonheur sous
la main" jouée au théâtre des Variétés:
Henry Bidon pour le
journal des
débats : « Les situations amusent, le dialogue est adroit, filé avec
goût et quelquefois d’un joli sentiment.».
Robert Catteau pour
Paris Midi :
« C’est l’œuvre d’un homme de théâtre remarquablement adroit, qui se
joue de toutes les difficultés techniques, qui ruse avec elles.».
M. Adolphe Aderer dans
Le Petit Parisien : « L’auteur sait avec une grande habileté faire
rebondir l’intérêt, quand il va faiblir. Il y a de la gaieté et de
l’esprit.».
De 1916 à 1919 il organise et rédige " Les conférences de l’Odéon" au
nombre de 34.
Il écrit seul ou en collaboration plus de 40
pièces de théâtre
ainsi que les
textes des opérettes "Shakespeare" en 1889, "Le jockey malgré lui" en
1902, "Le père de Paul" et en 1904 une opérette avec le compositeur
Gaston Serpette qui mourût avant de terminer l’œuvre.
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Le cinéma
Il fait jouer de grands acteurs comme Mistinguett
dans "Le bonheur sous la main" en 1912, Raimu en 1921 dans "La
petite chocolatière" ou Pauline Carton dans "Le Paradis perdu" en
1933.
Devant les succès remportés par les pièces de Paul Gavault, le cinéma
s’empare de quelques œuvres et en collaboration avec l’auteur pas moins
de 8 films sont portés à l’écran :
- "L’idée de
Françoise", Robert Saindreau (1923)
"La petite Chocolatière", André Labiel (1913, René Hervil
(1927), Marc Allégret (1932 avec Raimu), André Berthomieu (1949). |
"Ma tante d’Honfleur", Robert Sandreau (1923), B Maurice
(1931).
"Mademoiselle Josette ma femme", Gaston Ravel (1927), André Berthomieu
(1932 et 1950).
"Un coup de téléphone", Georges Lacombe (1931).
"L’enfant du miracle", D.B. Maurice (1932).
"Le crime du chemin rouge", Jacques Séverac (1932) d’après "Les yeux du
coeur" de P. Gavault.
La politique :
Yport
Vers 1900, à la Belle Epoque, Yport, station
balnéaire de la côte normande avec ses villas et ses artistes attire des
parisiens plutôt aisés. Les familles Gavault/Lerebourg
n’échappent pas à la fascination. Paul et Emma prennent possession de la
villa "Le Pavillon" rue Hottière.
Alfred Nunès, maire de Yport de 1886 à 1893, cousin du peintre
Camille Pissaro, grand collectionneur de tableaux et amateur
d’arts, fait bâtir la magnifique et très connue "villa Josette" rue
Hottière, avec les initiales AN sur le fronton. Edmond Lerebourg, le
Préfet, fait construire la villa "Les Cordeliers". Part la suite, Mme
Lerebourg née Zimmermann, belle sœur de Paul Gavault,
vendra "Les Cordeliers" et occupera la "villa Josette".
De 1914 à 1919 le maire de Yport (Seine
inférieure) n’est autre que Paul Gavault. Il fit construire un
lotissement ; on l’appelle le "Lotissement Paul Gavault".
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Directeur de l’Odéon
Durant cette même période Il est directeur du théâtre de
l’Odéon.
Le 7 mars 1916 il est promu sous intendant militaire. C’est donc avec
4 galons sur la manche qu’il assistera désormais aux répétitions du
Théâtre de l‘Odéon.
Paul Gavault a eu le
grand mérite de renflouer les caisses de l’Odéon vidées par son
prédécesseur, et ce, en pleine période de guerre. Il permit à un large
public de fréquenter le théâtre, de le démocratiser sans jamais tomber
dans la vulgarité. Il était un grand homme de lettres. Dépendait de
l’Odéon Paris, la Compagnie Odéon Bordelaise, dont il était le
directeur.
Journaliste, il collabore brillamment, entre autres, dans le périodique
Gil Blas en écrivant le N° 25 le 22 juin 1900 avec "Un phénomène", le
N° 47 le 20 novembre 1896 avec "Mon oncle" ou au journal "LA
BAÏONNETTE" durant la première guerre mondiale en y rédigeant les textes
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Il voyage beaucoup, il écrit et une correspondance
s’établit avec mademoiselle Yvonne Heurtebise. Elle travaille
aussi avec Paul à l’Odéon |
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Yvonne, Paul Gavaultchez Yvonne Heurtebise, villa "Sous les Pins", aux Abatilles,
(1949) |
Voyageur collectionneur
Après 1919, il continuera d’écrire des pièces tout en
dirigeant les théâtres de l’Ambigu, des Ambassadeurs et de La Porte St
Martin. Yvonne sera sa collaboratrice. Ils deviennent amis. Quelle ne
fût pas ma surprise de découvrir une photo des années 37 et d’y voir
Yvonne, et sa sœur, devant son nouveau magasin, 117 rue de Courcelles à
Paris qui se nommait : "à la Petite Chocolatière"
Très grand collectionneur de livres anciens, sa
bibliothèque est de renommée mondiale. Pour faire face à des difficultés
financières avec le fisc, en 1950 et 1951, elle sera vendue aux enchères
en cinq lots et de ce fait beaucoup de livres, de grande valeur,
partirent à l’étranger particulièrement aux USA, ce qui à l’époque
déclencha une polémique devant l’incapacité des pouvoirs publics et de
la société française à conserver sur son sol un patrimoine dit national. |
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A partir de 1940, il vient se ressourcer dans la villa
"Sous les Pins" aux Abatilles. Il confectionne des albums de cartes
postales, certains avec Yvonne, retraçant ses voyages. Ces affectueux
souvenirs ainsi que quelques livres sont mon héritage.
Paul Gavault meurt le 25 décembre 1951 à Paris, veuf de
Marthe Emma Zimmermann décédée à Paris le 9 octobre 1951.
Lieu de
sépulture :
cimetière privé des Pénitents Noirs à Guéret (Creuse). Caveau famille
Gavault, Zimmermann et Lerebourg.
Nous avons contacté les responsables et gestionnaires
du cimetière mais aucune réponse ne nous est parvenue. Nous
n’avons pas établi de relation entre les Pénitents Noirs et Paul Gavault
du temps de son vivant.
Voila un homme dont nous connaissions l’existence mais
dont nous ignorions presque tout de sa vie. |
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