Les  Aquitains  dans  les  "Iles"

 

Extrait du livre :

" L'ELDORADO  DES  AQUITAINS
Gascons, Basques et Béarnais
aux Iles d'Amérique
(XVIIè - XVIIè siècles)

 

... Au moment où éclate en France la révolution de 1789, la partie française de l'île de Saint Domingue, dont les limites correspondent à peu près au territoire de l'actuelle République de Haïti, connaît une prospérité qu'on a peine à imaginer aujourd'hui.
Pour user d'une comparaison actuelle, elle représente à elle seule davantage pour l'économie française du 18ème siècle que toute l'Afrique réunie peut le faire de nos jours.

A cette fabuleuse colonie, de loin la plus importante de toutes les possessions d'outre-mer par les richesses qu'elle procurait à sa métropole et l'influence qu'elle avait sur son agriculture et son commerce, Louis XIV n'avait pas hésité, lors du traité de Paris en 1763, à sacrifier ce que Voltaire a appelé dans une formule passée à la prospérité, " les quelques arpents de neige du Canada " sur lesquels il avait beau jeu d'ironiser en les comparant à la prodigieuse richesse de la grande île à sucre.

Cette prospérité " faite pour étonner " était l'ouvrage de moins d'un siècle et demi, et avait connu des origines bien modestes dans la petite île de la Tortue que la littérature et le cinéma ont largement contribué, à travers l'épopée des " Frères de la Côte ", à faire connaître au monde entier.

 A mi-chemin de la Louisiane et de la Guyane, occupant une position centrale dans la mer des Caraïbes, la grande île "d'Haïti, la " terre montagneuse " selon la signification de son nom indien, avait été baptisée " Hispaniola " - " la petite Espagne " - par Christophe Colomb.
Le hasard du naufrage de la Santa Maria dans la baie de Caracol, sur la Côte nord, en avait fait en 1492 le premier établissement des Espagnols dans le Nouveau Monde et le point de départ de leur immense empire d'Amérique.
On sait en effet, qu'avec les débris de la nef capitaine un fortin de bois avait été érigé non loin du village du cacique indien Guancanagaric sur un site baptisé la " Nativité " et sa garde confiée à une trentaine d'hommes que Colomb trouva massacrés à son retour lors de son second voyage.

Peu à peu, pendant que s'accomplissait le génocide des indiens Taînos, des villes s'implantèrent, au nombre d'une quinzaine, parmi lesquelles Puerto-Réal dont les ruines viennent récemment d'être mises au jour, Isabella, ainsi nommée en l'honneur de la Reine, et surtout la capitale San Domingo.
Mais le manque de colons et l'attrait de nouvelles conquêtes riches en mines d'or entraînèrent rapidement l'affaiblissement de ces premiers établissements et finalement l'abandon d'une grande partie des côtes d'Hispaniola constamment menacées par ailleurs, par la convoitise et les entreprises de plus en plus hardies de pirates et contrebandiers, principalement français, anglais ou hollandais.
Parmi eux quatre vingt Français chassés de Saint-Christophe finirent par prendre pied dans l'île de la Tortue, au nord de la "Grande Terre " profitant d'une rade très sûre protégée par des récifs coralliens et fortifiant un énorme rocher vertical appelé " Le Refuge " qui leur permettait de se retrancher en cas d'attaque...

... Il faur bien se convaincre que parler au 18ème siècle d'immigration " française " à Saint Domingue ou aux Antilles en général n'a pas beaucoup plus de sens que d'appliquer le terme général d' "Africain " à tous les esclaves, qu'ils appartiennent aux divers groupes guinéens, bantous ou congos ou soient issus de la traite orientale.
La France pré-révolutionnaire est composée d'autant de régions profondes aux fortes caractéristiques identitaires (notamment linguistiques) que l'Afrique des " ethnies " que s'appliquaient à distinguer les colons dans leur cargaison d'esclaves.

Or, si parmi ces entités régionales fortes qui constituent la mosaïque provinciale française d'Ancien Régime, il en est une qui conserve encore son particularisme très net, une identité et une unité remarquable, c'est bien l'Aquitaine, ou si l'on préfère l'ancienne Guyenne et Gascogne marquée, entre autres par ses trois siècles d'histoire anglaise et une résistance continuelle à la pénétration du modèle centralisateur français qui trouvera son point d'orgue dans l'irréductible opposition des Girondins aux Jacobins à l'époque de la Révolution et de la déconfiture totale de leur projet fédéraliste qui aurait pu changer le visage de la France...

 

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