Le nom de l'Abbé l'EPEE
reste dans la mémoire pour l'enseignement des sourds-muets.
Or il n'a pas été le seul à s'occuper de ces
personnes, Jacob PEREIRE s'est aussi
intéressé à eux. examinons comment :
Persécutés par l'inquisition, les ancêtres de
PEREIRE avaient fui l'Espagne pour le Portugal.
Abraham Rodrigues PEREIRA et
Abigael Rebecca PEREIRA, bien que cousins
germain se marient.
Le couple, séfarade (juif du bassin méditerranéen dont le mot hébreux
désigne l'Espagne) revient en Espagne, se convertit officiellement au
catholicisme, devient Marrane (juifs convertis) prenant les prénoms
de Jean et Léonor.
Le 11 avril 1715 naît, leur fils Jacob, dans
le marquisat de BERLANGA en Estramadure (Espagne), prénommé
Francisco Antonio comme nouveau chrétien.
L'inquisition reprenant son impitoyable campagne, la famille PEREIRA
repart au Portugal.
Abraham décède, Abigael, seule avec 7 enfants, accusée d'hérésie, se
réfugie à Bordeaux, où se trouve une forte colonie Marrane.
Vers 1734, Jacob écrit à l'académie des lettres de
Bordeaux pour demander des ouvrages sur l'éducation des sourds.
En 1741, il ouvre une petite école d'éducation sensorielle, ses premiers
élèves sont :
*
Sa soeur, sourde
* Araon
BEAUMARTIN, 13 ans, qui, après une centaine de leçons, arrive à
prononcer quelques mots.
* Le
fils d'AZY d'ESTAVIGNY de La Rochelle, âgé de 18 ans. Il est traité
pour sa surdité depuis plusieurs années sans grand succès. Installé en
Normandie dans le château d'ETAVIGNY, Jacob fait progresser son élève. Il
s'adresse alors à l'académie Royale des lettres de Caen sans dévoiler son
enseignement qu'il appelle son " secret ".
En juin 1749, Jacob Rodrigues
PEREIRA (devenu PEREIRE vers 1741)
présente, à l'académie des sciences de Paris, les résultats de la méthode
dans l'apprentissage du langage des sourds.
Il reçoit la gratification de 800 livres, du Roi Louis XV pour ses
recherches.
En 1750 le jeune d'AZY d'ESTAVIGNY, devant
l'académie des sciences parle distinctement. Il connît la grammaire,
l'arithmétique, la géographie, l'histoire.
PEREIRE ne dévoile toujours pas son secret d'éducation.
Devant un tel résultat en 1751 Louis XV lui octroie une pension de 800
livres.
Marie MAROIS
(1748 -
1829), sourde et orpheline, lui fut confiée à l'âge de 7 ans, par
le comte SAINT FLORENTIN.
Chaque année au jour de l'an, PEREIRE emmenait son élève voir son
bienfaiteur le comte au Palais Royal.
Marie au fil des ans (elle vécut chez son maître jusqu'au décès de ce
dernier en 1780) avait acquit l'usage de la parole, lisait sur les
lèvres, signait également et surtout était l'héritière du "secret".
Mademoiselle LE RAT de MAGNITOT, madame
de la VOUTE furent également ses élèves.
SABOUREUX de FONTENAY (sourd de naissance)
13 ans suit les préceptes de Jacob PEREIRE pendant 5 ans environ, avec des
résultats excellents. Cet élève doué continue son éducation seul et
acquiert des connaissances remarquables en français, latin, arabe,
hébreux...
Pendant 44 ans PEREIRE, enseignant infatigable, donnait des leçons brèves
mais fréquentes, employait un alphabet manuel espagnol (celui de
Juan Pablo BONET) qu'il avait
perfectionné.
Jacob PEREIRE ou l'Abbé
d'EPEE, ne faisons pas de procès d'intention pour savoir qui copie
qui ou quoi et comment.
PEREIRE était oraliste, l'Abbé de l'EPEE employait le langage des signes,
tous deux se sont inspirés d'une multitude de personnes qui essayaient
chacune leur méthode pour " sortir "
les sourds de leur isolement, comme l'espagnol Juan
Pablo BONET (1579 - 1629), le hollandais
John BULWER (1614
- 1684), le belge Francis Van HELMONT (1618
- 1699), l'écossais Georges
DALGANO (1670), l'anglais
Georges SIBSCOTA (1670) et bien
d'autres encore.
Jacob PEREIRE meurt en 1780 laissant son secret à
Marie MAROIS qui jamais ne le divulgua.
Isaac PEREIRE né en 1767, le fils de Jacob, chercha en vain toute sa vie
de percer le secret, ses petits enfants également.
Il s'est même murmuré que ce secret si bien gardé concernait la femme
qu'il aimait ! qui était-elle ? on dit qu'elle était sourde...
L'Abbé l'EPEE
a laissé son nom dans l'histoire des sourds.
PEREIRE est tombé dans
l'oubli, pourquoi ? J'ose avancer une hypothèse :
Jacob PEREIRE est un homme de grande valeur,
qui, à force de recherches, de travail, d'amour, de passion, de désir
profond d'ouvrir l'esprit des sourds-muets, n'a pas pu, pas su, ou pas
voulu vulgariser son enseignement. Pourquoi ? C'est là peut-être le "
secret " ! mais de grâce sortons le de
l'oublie. |