Le couvercle de la maie enlevée, Marie y versa une
belle quantité de farine et quelques poignées de sel. Puis, elle alla
quérir un sceau d'eau au puits situé sur l'airial.
La terrine de levain conservée à l'endroit le plus tempéré de la maison
fut aussi apportée près de la maie. Alors avec des han ! de bûcheron Marie
commença à pétrir la pâte.
Ce travail harassant achevé, elle forma ses quatre tourtes qu'elle déposa
dans des paniers ronds que nous appelons " mières "
revêtus de grand torchons de lin.
Ces " mières ", elle alla les placer
au chaud dans son lit afin que le levain fasse "
pousser " la pâte. La maie nettoyée il s'agissait alors de
préparer le four situé dans le courtil derrière la maison.
Quelques fagots de bruyères brûlés à même la sole du
four suffisaient à chauffer toute la maçonnerie. Le four chaud, le pain
levé, on pouvait procéder à la cuisson. Encore fallait-il s'assurer que ce
four soit à bonne température.
Pour cela, Marie avait sa méthode : Elle piquait sur sa pelle de
bois quelques épis de seigle prélevés sur une gerbe de paille. Ces épis
introduits dans le four devaient prendre une chaude teinte dorée - Le four
trop chaud les épis noircissaient comme charbon; pas assez chaud ils
restaient trop pâles.
Cette vérification effectuée, Marie balayait la sole puis enfournait ses
tourtes mais seulement ses tourtes et cela tous les enfants du voisinage
le savaient.
Aussi ils n'étaient pas loin car, bien avant que les grosses tourtes
soient cuites Marie donnait à chacun la " coque
" : c'était un petit pain que l'on ouvrait en se brûlant un peu
les doigts car l'usage du couteau aurait à coup sûr fait rater la fournée
(c'est du moins ce que Marie croyait, ou, peut-être faisait-elle
semblant d'y croire ?).
Ces petits pains fourrés de beurre ou de quelques cuillerées de confiture
étaient tout simplement DELICIEUX.
Merci Marie nous t'embrassons.
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Notes :
A la mémoire de ma grand-mère
Marie BOUZATS née DUPUY. Le pain
évoqué ici est le pain de seigle, il était de couleur bise et de structure
assez compacte. Il se conservait plusieurs jours. Les pénuries de la
guerre l'avait remis au goût du jour.
Airial
: C'est un vaste espace de prairie planté de chênes qui entoure
les fermes landaises.
Mières :
Ce sont les corbeilles rondes pour recevoir le pain avant sa mise au four.
Elles sont faites d'une spirale d'aougue qui est la grande molinie, herbe
de nos forêts, la spirale est " cousue " avec de l'écorce de roncier. |