1789 n’a pas posé de questions religieuses en
France, il n’y a pas d’affrontement entre l’Etat et l’Eglise, le bas
clergé est issu du peuple et les premiers à se rallier au Tiers Etat
sont issus du clergé. Pourtant à partir de 1790, un conflit débute,
conflit qui aboutit à une crise violente qui dure de 1792 à 1794,
conflit au terme duquel s’instaure un équilibre précaire jusqu’à ce que
l’apaisement intervienne avec le Concordat. Aux origines de ce conflit,
il y a le volonté exprimée de l’Etat de rependre les grands principes de
1789, pour autant cette volonté est-elle incompatible avec une France
pétrie de catholicisme, une France, fille aînée de l’Eglise ?
I- La naissance du conflit, 1789-1792
A) Il n’y a pas
d’hostilités entre l’Eglise et la Révolution, l’Eglise, dans la France
de 1789, occupe une place de premier plan, le catholicisme est religieux
d’Etat, il y a une alliance entre la monarchie et l’Eglise. Au niveau
social, la vie quotidienne est rythmée par le calendrier liturgique, les
bâtiments religieux ont envahi l’espace du quotidien. Le clergé tient
l’Etat-civil, l’enseignement, l’assistance aux pauvres.
Pour autant, elle est soumise au contrôle du
pouvoir civil, de par le concordat de Bologne de 1516, le roi nomme aux
principaux postes de la hiérarchie ecclésiastique.
C’est un ordre riche, sa fortune foncière est
énorme, de 10 à 12 % du sol français (40 % dans l’Avesnois), la dîme
représente aussi un revenu important, environ 250 million de livres
tombent dans les caisses de l’Eglise par an. Mais il y a une grande
disparité de revenus au sein du clergé, entre bas et haut clergé. Le
clergé représente 300 000 personnes sur 27 millions de Français.
On a souvent dit que le clergé connaissait une
crise à la veille de la Révolution et que ce clergé se laissait séduire
par les Lumières, il est formé dans des séminaires où on reçoit un
enseignement assez consistant. Bien entendu, on peut trouver des
"mauvais livres" dans les bibliothèques des membres du clergé, mais le
niveau de lecture de ce clergé dans son ensemble est très traditionnel,
peu nombreux sont ceux qui lisent les ouvrages des Lumières. Par contre,
il y a une crise des vocations à la fin de l’Ancien Régime.
Les révolutionnaires sont-ils les vecteurs de
l’offensive de la philosophie pour autant ? Les philosophes ne sont pas
forcément anticléricaux, Voltaire luttait contre l’injustice et
l’intolérance et il n’avait pas de haine vis-à-vis de l’Eglise. En 1789,
il n’y a pas d’hostilité chez les révolutionnaires envers l’Eglise.
B) La destruction de l’Ancien Régime ne crée pas
de conflit entre l’Eglise et l’Etat
La dîme est sacrifiée sans que l’Eglise proteste,
la nationalisation des biens du clergé est adoptée par une large
majorité des députés issus de l’Eglise (02 novembre 1789). La
suppression du clergé régulier n’entraîne pas non plus de réactions de
la part de l’Eglise.
C) Le conflit
Il part de la Constitution civile du clergé, elle
est rendue nécessaire pour deux raisons :
- les biens du clergé étant nationalisés, le clergé doit
disposer de ressources pour vivre, l’Etat s’était engagé à donner
les moyens au clergé de poursuivre sa mission,
- la refonte des cadres administratifs de la France, avec la
réorganisation du territoire entraîne l’obligation d’inclure
l’Eglise dans cette réforme.
Elle a été préparé par un petit comité composé de
laïcs (parmi lesquels il y avait un certain nombre de protestants) et de
prêtres (à majorité gallican) qui sont persuadés qu’il appartient à
l’assemblé de légiférer en matière religieuse. La Constitution est
adoptée le 12 juillet 1790, elle prévoit :
- la réorganisation de la géographie ecclésiastique (un
département, un évêché)
- les curés et les évêques sont élus par les citoyens actifs
(des protestants pouvaient donc élire des curés et des évêques, ce
qui est choquant pour les catholiques),
- tout évêque ou curé recevra un traitement de l’Etat, 1400 F
pour les curés et 25 000 F pour les évêques, c’est la
fonctionnarisation du clergé catholique,
- le fait d’être fonctionnaire, impose la prestation du serment
à la Nation, à la Loi, et au roi, c’est cette mesure qui est
véritablement la pierre d’achoppement entre l’Etat et la Papauté,
cette dernière ne pouvait accepter cela, mais elle l’a fait savoir
avec beaucoup de retard, ce n’est qu’en mars 1791, que le pape fait
connaître sa condamnation de la Constitution civile du clergé, que
les élections des premiers évêques et curés étaient nulles, qu’il
exigeait de tous ceux qui avaient prêté serment, d’abjurer ce
serment.
Au printemps 1791, nous assistons à une cassure de
l’Eglise, rupture entre ceux qui vont prêter le serment, les jureurs ou
les assermentés, et ceux qui vont refuser de la prêter, les
réfractaires. Un historien américain, T. Tackett dans son ouvrage " La
Révolution et la France, le serment de 1791 " étudie la question du
serment, qui est très importante dans l’historiographie française. Il
démontre que le serment l’a emporté dans le clergé paroissial (55 % de
jureurs), mais ce qui est remarquable, c’est qu’il a étudié les
prestations de serment avant et après la condamnation du pape. Tous les
jureurs ne sont pas des révolutionnaires, les réfractaires sont
considérés comme des ennemis.
II- La crise des années 1792-1794
L’Etat et l’Eglise vont s’affronter dans une crise
violente, les raisons de cette crise ne sont pas que religieuses : au
lendemain de la dissolution de la Constituante, les personnels ne sont
plus les mêmes, la guerre fait que le clergé apparaît comme un allié de
l’étranger, la mort du roi, la révolte intérieure.
Ces facteurs sont à l’origine de la
déchristianisation, ce terme est un terme récent (Second Empire), il a
deux sens :
- la déchristianisation, c’est tout action visant à supprimer
le culte chrétien.
- c’est aussi le désintérêt progressif vis-à-vis du
christianisme.
Entre septembre 1793 et juin 1794, la
déchristianisation violente sévit en France. Le 25 septembre 1793, le
député Fouché, futur ministre de la police, fait baptise sa fille sur
l’autel de la patrie et il l’appelle Nièvres, quelques jours plus tard,
il fait retirer toutes les inscriptions religieuses des cimetières.
Il y a d’abord eu la persécution des prêtres, des
prêtres ont abjuré leur foi, il y a eu des mariages, voir avec des
naissances. Il y a une explosion d’athéisme : le nouveau calendrier, les
cultes révolutionnaires, la fermeture et la destruction d’églises,
d’objets du culte.
III- Au lendemain de thermidor, 1794-1799
La politique religieuse menée par les
Thermidoriens puis les Directoriens a été très fluctuante, c’est un
régime de liberté surveillée.
Conclusion :
L’Eglise sort exsangue de la Révolution, une
saignée impressionnante a eu lieu, au total sur 100 prêtre d’avant la
Révolution et encore vivant en 1805, il n’y en a que 50 qui soient
encore en activité. L’Eglise manque de bras, le quadrillage paroissial a
été considérablement relâché.
Pour autant, le divorce n’est pas très fort, l’illégitimité a
légèrement augmenté, les conceptions prénuptiales n’ont pas fortement
augmente.
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