Le 10 juillet 1789, quand les Français se
réveillent, ils sont encore sujets, le 15 juillet 1789, ils sont
citoyens. Ici commence la conquête de la citoyenneté, mais surtout
commence, l’entrée en politique des Français. La Révolution française a
été le moment d’une véritable découverte de la politique par un grand
nombre de Français, c’est un apprentissage qui se fait sur le terrain,
cela s’est fait de différentes façons, par la lecture de la presse, par
tous les médias qui contribuent à la formation de l’opinion : l’image,
la caricature, par la naissance de structures de sociabilité politique
nouvelles.
I- Le régime juridique
A) Quel est le régime
juridique à la veille de 1789 ?
Il n’y a pas de liberté de la presse, la
législation de la presse est ancienne, elle remonte au début de la
Réforme, elle est inadaptée. Elle est très sévère, comme tout ce qui
concerne l’écrit. Le système du privilège existe également dans ce
domaine, pour pouvoir faire paraître un ouvrage, une gazette, il faut
avoir une autorisation et il faut acquérir le privilège qui confère
l’exclusivité du titre, exemple : " Annonces de Flandre ", du chevalier
de Lespinard.
Cette législation a été aggravée au cours du
XVIIIe siècle, toute une série de mesures sont prises dans le contexte
de contestation de la monarchie, par exemple, en 1764, un arrêt du
Parlement de Paris interdit d’aborder tout sujet concernant les
finances, dans la presse. Pour veiller à l’application de ces mesures,
il y a le directeur de la Librairie, il est assisté par des censeurs (
plus de 120 en 1789), des auteurs sont enfermés, comme Diderot (durant
trois mois), comme Marmontel (durant quelques semaines), ils sont
enfermés à la Bastille. Mais dans cette législation, il existe une
faille, c’est l’arrêt du 05 mai 1788, qui invite tous les Français à
s’exprimer, à donner leur avis et à émettre des propositions. C’était
une mesure qui équivalait à la suppression de la censure, c’était
octroyé une liberté de fait. En conséquence de quoi, la France a été
inondée de pamphlets, de brochures, de libelles de toutes sortes. Dans
ce flot de publications, il y en a qui sortent du lot, ce qui est publié
par Mirabeau, Condorcet, Sieyès.
B) De la réunion des Etats Généraux à la
déclaration des droits de l’homme
La brèche ouverte, n’a cessé de s’élargir jusqu’à
la réunion des Etats Généraux à Versailles. Elle va devenir une porte
ouverte à partir du moment où les députés se réunissent à Versailles.
Les députés ne sont que des mandants. A peine arriver à Versailles, ils
envoient des comptes-rendus à leurs commettants. Les députés prennent
aussi l’habitude de se réunir entre eux. Trois personnalités importantes
pour la liberté de la presse font parti de ces députés : Brissot, qui,
le 06 mai 1789, fait paraître le " Patriote français " sans demander
d’autorisation, c’est aussi Mirabeau qui publie un journal " Les Etats
Généraux ", toujours sans autorisation, c’est Barrère qui fait paraître
également un journal sans autorisation. Les gazettes se multiplient à
Paris et en Province. Ce qui pose le problème de la légalité de cette
presse. Ce problème va être réglé du fait des événements, le 14 juillet
1789, la prise de la Bastille engendre une explosion de la presse dans
la semaine qui suit. L’Assemblée Nationale se décide à bouger et dans
son comité de constitution se trouve poser le problème de la liberté de
la presse. Une première réponse est apportée avec la Déclaration des
droit de l’homme et du citoyen, dans son article 11, on peut lire " La
libre pensée […], tout citoyen peut imprimer librement sauf à répondre
de l’abus de cette liberté dans les cas prévus par la loi ". C’est un
texte fondateur, la liberté de la presse est de jure, elle est
fondée en droit. Mais qu’est-ce que l’abus de cette liberté ?, où
commence l’abus ?, l’expression " dans les cas prévus par la loi " ouvre
la porte à une législation qui peut être plus ou moins restrictive. S’il
y a des abus qui sont réprimés, il y aura des sanctions, mais quelles
sont ses sanctions ?, qui va les appliquer ?.
C) De la Déclaration des droits à Bonaparte, quid
de la liberté de la presse ?
Il y a le cadre général posé par l’article XI, au
delà, le régime de la presse va connaître au cours de la Révolution
française des moments contradictoires. On peut distinguer plusieurs
phases :
- 1789 - été 1791 : période de la liberté
illimitée, toute la gamme de l’opinion publique est représentée dans la
presse, cependant se pose, le problème de savoir ce que l’on va appeler
un délit de presse. On voit réapparaître une sorte de censure, une
censure populaire qui est aussi celle de l’opinion, des journaux
royalistes sont brûlés à l’hiver 1789-1790, car les manifestants
désapprouvent ce genre d’écrit.
- été 1791 – été 1793 : c’est la période qui voit
trancher le débat sur la législation a appliqué à la presse : loi
Thouret (22/08/1791). Cette loi donne une définition du délit de presse,
c’est une incitation à la désobéissance aux lois, une incitation à
l’avilissement des pouvoirs constitués, résistance à la loi. L’Assemblée
n’a pas voulu que le coupable d’un délit de presse soit envoyé devant la
justice ordinaire, la loi Thouret a instauré l’idée du jury, il serait
chargé de dire s’il y a délit ou pas, s’il y a délit, la personne
poursuivie est-elle coupable de ce délit ?, si oui elle est envoyée
devant la justice. Cette loi réglait, théoriquement, les choses, mais
les événements politiques ont influencé son application. La chute du roi
le 10/08/1792 a provoqué le fait que les journaux royalistes ont été
systématiquement visés et ils ont disparu. Mais beaucoup plus grave,
certains journalistes ont été arrêtés, et certains exécutés. Au total,
ce fut une période ambiguë.
- été 1793 – 9 thermidor : ici aussi une
contradiction, la constitution de 1793 est précédée d’une déclaration
des droits qui contient un article qui pose le principe de la liberté de
la presse. Pour autant, il n’y a pas de liberté de la presse, les
journaux girondins ont été poursuivis, des journalistes sont arrêtés et
guillotinés.
- 9 thermidor – 18 brumaire : à nouveau la
constitution de l’an III réaffirme le principe de la liberté de la
presse, mais dans la pratique, le Directoire va petit à petit
s’acheminer vers une progressive suppression de la liberté de la presse.
Quand Bonaparte prendra le pouvoir, si la liberté de la presse existe
dans les textes, elle n’existe plus dans les faits.
La Révolution française a apporté le principe de
la liberté de la presse, amis dans la réalité, cette liberté n’a pu être
instauré que pendant de très brèves périodes.
II- Regards sur la presse révolutionnaire
L’éventail idéologique de la presse est très
large, des journaux ultra-royalistes aux journaux
ultra-révolutionnaires. [J. Godechot : " Histoire générale de la
presse " (tome 1)]. La chronologie des événements influe beaucoup, il
faut distinguer la presse parisienne et la presse de province.
A) La presse parisienne
La presse parisienne est la mieux connue, elle a
évolué en fonction des événements politiques. Jusqu’au 10/08/1792, il y
a le " Patriote français " de Brissot, idéologiquement, il est
représentatif de la révolution modérée. A la gauche de celui-ci, on a
quelques journaux comme " L’Ami du peuple " de Marat qui se distingue
très vite par son ton violent, " Les Révolutions de France et du
Brabant " de Camille Desmoulins et le " Père Duchesne " d’Hébert. A
droite, il y a la presse hostile à la Révolution comme " Le Mercure de
France ", assez modéré, comme les " Actes des Apôtres " de Rivarol,
beaucoup plus violent. Tous connaissent un tirage important pour
l’époque. Pendant la Terreur, d’août 1792 à juillet 1794, la presse
royaliste disparaît puis c’est le tour de la presse girondine, mais
d’autres journaux montagnards disparaissent aussi. Le régime montagnard
se caractérise par une pauvreté de la presse française. Sous le
Directoire, des journaux reparaissent, Freron avec " L’orateur du
peuple " (royaliste) ; " Le tribun du peuple " de Babeuf. Le Directoire
va inaugurer le régime de la presse subventionnée, de la presse
officieuse.
B) La presse de province
Elle est certainement moins connue, car il y a un
éparpillement des sources. Il y a, entre la presse de province d’Ancien
Régime et la presse de la Révolution, des éléments de continuité. Les
dernières décennies de l’Ancien Régime ont vu le développement des
journaux de province, c’est une véritable explosion à partir de 1760. Il
y a une continuité durant les premières années de la Révolution, ces
journaux de province ont su se perpétuer.
Les techniques de production, de vente, restent
les mêmes, il y a eu pourtant, deux changements majeurs :
- l’augmentation formidable du nombre de journaux
de province, du fait de la disparition du privilège, le presse devient
en province, un objet de consommation pour un plus grand nombre de
personne (Tableau de Boilly)
- la politisation de la presse de province, avant
1789, ce n’est que la reproduction d’articles de la presse parisienne.
Avant 1789, d’une part, on y trouve tous les
événements de Paris et d’autre part, des articles de politique locale,
ce qui est nouveau.
Il y a intégration de la vie politique locale dans
le national. Le développement des articles permet aux lecteurs d’avoir
une vue plus large de ce qui se passe au niveau local et au niveau
national, ils peuvent en prendre conscience et en discuter, d’autant
plus que les journalistes prennent position.
Les journaux de province deviennent une partie de
la culture de la Révolution. Pour autant, on ne connaît pas l’audience
réelle de la presse de cette époque. Il faudrait aussi se poser la
question des pamphlets, des libelles, etc
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