La France, de la crise à la Révolution

Il faut éviter une lecture déterministe de la période des années 1780, la Révolution n’est pas inéluctable, tout est encore possible, d’autant plus que la monarchie est assez libérale car Louis XVI est libéral, il apparaît éclairé, il se montre sensible aux idées de son temps, des Lumières, sensible à l’idée de tolérance, d’humanité.

La volonté de réforme n’a pas la même force dans tous les domaines, elle est parfois assez peu affirmée, il y a une volonté de réforme dans le domaine administratif, la nation n’a pas un droit de regard suffisant, l’administration est trop concentrée. Au niveau judiciaire, il y a aussi des problèmes, les Parlements apparaissent comme une force d’opposition, et refusent d’appliquer les décisions du roi. Le problème financier est très important, la monarchie est en déficit, la France vit une période de crise sociale, car la société d’ordres parait ne plus correspondre aux réalités sociales du moment, il y a un décalage entre la société théorique et la société réelle. La Révolution de 1789 se déroule à l’issu d’une crise économique majeure. Les idées de liberté se retrouvent en France, mais aussi en Angleterre, aux Etats-Unis d’Amérique, etc ..., cela permet de comprendre la Révolution française dans un cadre plus large.

I- L’impossible réforme administrative et judiciaire

La monarchie est consciente du problème de concentration administrative et de l’opposition parlementaire, elle tente de les résoudre mais n’y parvient pas.

A) Du Pont de Nemours et le mémoire sur les municipalités

En 1775, Louis XVI est au pouvoir depuis un an, Turgot est contrôleur général des finances, c’est un ami des philosophes et des physiocrates, il est favorable à un certain libéralisme économique, ce libéralisme se retrouve au niveau administratif. Du Pont de Nemours publie en 1775 un " Mémoire sur les municipalités ", il part d’une constatation, en France, il n’y a pas vraiment d’unite, d’esprit national, il n’y a pas " d’esprit public ". Le lien unique entre les Français est la personne du roi. Ils sont divisés car séparés en ordre, car chacun vit dans sa province, provinces qui sont toutes privilégiées, ils n’ont pas d’intérêts communs. L’objectif de Du Pont est de donner aux Français, un intérêt commun, d’en faire une nation au sens politique du terme. Il propose une réforme de l’éducation, il n’y avait pas d’équivalent du ministère de l’Education Nationale, il tente de promouvoir un Conseil de l’instruction nationale qui doit diriger l’ensemble des structures éducatives, harmoniser quelque peu les programmes. Il propose aussi de créer toute une hiérarchie de municipalités, c’est-à-dire, d’assemblées en grande partie consultative, qui seraient uniformes sur l’ensemble du territoire. Il voyait quatre degrés : à la base, municipalité de ville et de village regroupant essentiellement les propriétaires , puis les municipalités d’arrondissement (ou de district, ou d’élection), puis les municipalités provinciales, enfin une municipalité générale du royaume. Ce projet était novateur par sa cohérence, il cherche à créer des mêmes unités dans tout le royaume, dans ses assemblées, ce sont les propriétaires qui sont représentées et non les ordres. Ce projet s’inscrit dans l’esprit du temps. En mai 1776, Turgot est renvoyé, c’est un tournant dans la politique de Louis XVI, le projet est rangé dans les bibliothèques et perd toutes chances d’être appliqué.

B) Des projets aux réalisations

-1- Le projet de Necker

Necker est un protestant genevois, il devient en octobre 1776, directeur général du trésor, puis en juin 1777, il est nommé directeur général des finances (ce qui équivaut au titre de contrôleur général des finances, mais étant étranger, il ne pouvait porter ce titre). A ce titre, il propose au roi en 1778, un " Mémoire au roi sur la création des assemblées provinciales ". Il proposait la création d’assemblées provinciales partout où il n’y avait pas d’Etats provinciaux. Cela permettait au habitants de la province d’être représenté face à l’intendant. Elles étaient conçues d’une façon traditionnelle, avec des représentants des trois ordres, mais avec un doublement de la représentation du Tiers-Etat. En 1778, la réforme commence à être appliqué avec la création d’une assemblée à Bourges pour le Berry. En 1779, une autre est créée à Montauban pour la Haute Guyenne et une à Grenoble pour le Dauphiné, qui ne fonctionnera pas. En mai 1781, Necker est renvoyé, le projet est momentanément abandonné.

-2- Le projet de Calonne

En novembre 1783, Calonne devient contrôleur général des finances, en 1786, il propose une réforme administrative, la création d’une hiérarchie d’assemblées (paroisse, district, province). Ce projet se rattache à l’esprit des physiocrates car ce sont des assemblées de propriétaires, la réforme est refusée. En avril 1787, il est obligé de démissionner, le projet est abandonné.

-3- Le projet de Brienne

Loménie de Brienne lui succède en mai 1787, il reprend en juin 1787, un projet de réforme qui sera appliqué. Il propose de le mettre en place dans les 23 généralités dépourvues d’Etats provinciaux ou d’assemblées provinciales créées par Necker. Mise en place d’assemblées de paroisse, des assemblées intermédiaires (parfois de district, parfois d’élection, avec une représentation de 50 % pour le Tiers-Etat), des assemblées provinciales composées elles aussi avec au moins 50 % de représentants du Tiers-Etat. Le projet de Brienne est traditionnel comme celui de Necker. Il va fonctionner plus ou moins bien jusqu’à la Révolution française.

La monarchie est consciente qu’il y a un besoin de réforme, les Français veulent pouvoir s’exprimer, être entendu.

C) Monarchie et Parlements sous Louis XVI

Les Parlements avaient été depuis 1715, une force d’opposition engendrant des querelles très nombreuses avec le pouvoir, ils étaient favorables aux Jansénistes, s’opposaient contre l’augmentation des impôts. Ils constituaient un frein qui est supprimé avec la réforme Maupeou, supprimant la vénalité des offices et réduisant le droit de remontrance.

Louis XVI va décider de rendre aux Parlements, l’essentiel de leurs pouvoirs. En 1787, un nouveau conflit éclate entre le roi et les Parlements, surtout celui de Paris. Le 06 août 1787, le roi, par un lit de justice impose au Parlement de Paris, l’enregistrement d’un édit fiscal. Dès le 07 août, le Parlement proteste solennellement, les parlementaires sont exilés à Troye, une transaction est adoptée, le Parlement et le roi acceptent de prolonger les deux vingtièmes et décident d’un emprunt de 420 millions de livres. Fin 1787, on croit avoir trouvé un compromis satisfaisant. Le 19 novembre 1787, durant la séance royale autour de laquelle l’emprunt doit être enregistré, certains parlementaires (Fréteau et Sabatier) se montrent insolent vis-à-vis du roi, le roi décide de transformer la séance royale en lit de justice. C’est le début d’une opposition parlementaire encore plus vive qu’à l’accoutumée. En mai 1788, le roi procède à une réforme, la réforme Lamoignon, qui cherche à abaisser les Parlements, réforme plus subtile car on ne supprime pas la vénalité des charges ni les Parlements, mais on crée 47 grands baillages et on leur donne la plupart des compétences des Parlements. L’enregistrement des édits se fait désormais devant une cour plainiaire, dès aoû et septembre, la réforme est abandonnée sous la pression des populations (Journée des Tuiles de Grenoble), il y a encore une solidarité sans faille entre les Parlements et le peuple. La réforme de la justice échout.

II- L’échec financier

Les difficultés financières de la monarchie étaient peut-être encore plus nettes que dans le domaine administratif ou judiciaire.

A) Le problème fiscal

Il est complexe car il n’est pas le même suivant le type d’impôt (direct ou indirect). Dans le cadre de l’impôt indirect, le problème procède du mode de prélèvement, les impôts indirects étaient prélevés par le Ferme générale, c’est-à-dire les financiers, ils avancaient l’argent au roi, et prélevaient donc pour leur propre compte avec une marge de 10 à 15 %. Les impôts directs sont prélevés en régie. Les impôts frappent généralement à contre-temps, la monarchie a toujours besoin d’argent quand les contribuables ont peu à donner.
Au 18e siècle, l’impôt direct est toujours perçu comme quleque chose d’exceptionnel, hormis la taille, pour une durée prévue, la monarchie tente de maintenir ces impôts directs. L’impôt direct est parfois contesté dans son existance même, à la fin du 18e, on considère que seul les Etats Généraux peuvent lever des impôts nouveaux.

L’inégalité de la répartition des impôts est à la fois une inégalité géographique mais aussi sociale. Le système fiscale d’Ancien Régime est complexe, inégal, de plus en plus remis en cause à la fois par la monarchie et une partie de la société.

B) Les réformes de Necker

Entre 1776 et 1781, il est vénéré par la population, il porte une attention importante à son image, il se refuse à augmenter les impôts. Il emprunte, entre 1776 et 1781, pour 560 millions de livres (Guerre d’indépendance américaine). Il entreprend une réforme en février 1780, le roi y abandonne son privilège d’augmenter la taille sans l’accord du Parlement. Entre 1780 et 1789, il n’y aura pas d’augmentation de la taille. En 1788-1789, la France est dans une situation de crise très grave, car le service de la dette absorbe environ 55 % du budget de l’Etat.

C) De Calonne à Brienne

Les réformes seront un peu plus novatrices, le problème de la fiscalité est désormais connu de la monarchie. En 1786, il propose une réforme fiscale de grande ampleur, elle cherche à corriger les problèmes les plus importants. Calonne propose de remplacer les Vingtièmes par un impôt unique, la subvention territoriale, impôt sur la terre, devant peser sur tous, les détenteurs de la richesse devaient être imposé de la même manière, la taille devait être allégé, la gabelle devait être diminué dans les régions qui en payaient beaucoup et introduite, là où elle n’existait pas. Calonne proposait aussi la vente d’une partie des biens de la Couronne (c’est-à-dire le domaine).

Les Parlements étaient contre toute réforme d’ampleur, on décide donc de proposer ses réformes à l’assemblée des Notables (plus réunie depuis Louis XIII), elle est réunie en février 1787, on y compte 144 personnes parmi lesquelles des évêques et archevêques, des membres de la haute noblesse, des magistrats. Elle doit examiner les projets de réformes proposés par Calonne. La réforme fiscale est rejettée en bloc. Brienne, dès le mois de mai, est obligé de proposer à son tour, une réforme, il propose la création d’une subvention territoriale payée en argent et non plus en nature, ainsi qu’une généralisation du papier timbré. Le texte est présentée dès mai 1787 à l’Assemblée des Notables qui refuse une fois encore avec à sa tête Lafayette, l’assemblée est renvoyée. Le 06 août 1788, les réformes de Brienne sont imposées au Parlement de Paris, c’est l’échec. En février 1787, comme en novembre 1788, toute réforme fiscale parait impossible car il y a une résistance de la plupart de ceux qui ont voix au chapitre et ce pour des raisons différentes. La monarchie n’a pas réussi à trouver une issu à son problème qui est devenu majeur.

III- Une société divisée

Il y a une contradiction plus nette entre la théorie et la réalité, entre la société d’ordre et la société au quotidien, avec un mécontentement profond du Tiers-Etat.

A) les mécontentements du Tiers-Etat

La monarchie est libérale car elle essaye de se réformer, car elle tente de répondre aux attentes de la population, Turgot va procéder à toute une série de réformes.

En 1779, le roi décide l’émancipation des derniers serfs de la Couronne, il demande aux seigneurs privés, de faire de même. En novembre 1787, l’Etat civil est rendu aux Protestants, en mai 1788, la réforme Lamoignon ordonne la suppression de la question préalable. On espère beaucoup de Louis XVI, des revendications importantes sont proclamées :

- égalité des chances : recrutement des agents de l’Etat en fonction de leur compétence et non pas de leur naissance,

- justice fiscale, entre les provinces, entre les ordres,

- participation au pouvoir local ou provincial, ils veulent être représenté, être consulté.

B) Le Parti national ou patriote

Jusqu’à l’été 1788, une certaine union a rassemblé l’opposition parlementaire et l’opposition nationale. A partir de l’été 1788, les objectifs des uns et des autres diffèrent. Le parti patriote veut aller plus loin dans les réformes. Le 21 juillet 1788, se réunit au chateau de Vizille, une assemblée générale des municipalités du Dauphiné, on y trouve Mounier (anglomane et monarchien), Barnave (constitutionnel). Les revendications de cette assemblée ne sont pas celles des parlementaires même si il y a des points communs, comme la demande de la supression de la lettre de cachet, comme le droit pour les Etat Généraux de voter les impôts.A Vizille, on va plus loin, on demande le droit pour tous d’accéder aux emplois publics, le doublement de la représentation du Tiers-Etat aux Etats Généraux, le rappel des Parlements dépouillés de leurs droits politiques, le respect des droits provinciaux.

A partir du 21 septembre 1788, lorsque le Parlement de Paris se prononce pour la réunion des Etats Généraux dans la forme de 1614, il y a rupture entre opposition parlementaire et opposition nationale. Il existe désormais un parti national bien défini, avec ses clubs, ses écrits, pour lui 1789, c’est la naissance de la Nation française, la Nation, ce sont les hommes qui vivent en France et qui veulent vivre ensemble.

C) Sièyes et la naissance de la Nation

Le 05 juillet 1788, le roi avait permis à tous français qui désirait s’exprimer sur les conditions de réunions des Etats Généraux, de le faire. Il y a une prolifération des écrits politiques, création, surtout à Paris, de clubs politiques, Club de Valois, Club des amis des noirs. L’abbé Sièyes en janvier 1789, dans un opuscule " Qu’est-ce que le Tiers-Etat ? " définit le Tiers-Etat, la Nation et leurs ambitions.

" Qu’est-ce que le Tiers-Etat ? " : tout, pour Sièyes, le Tiers-Etat est à lui seul, une nation, il peut accomplir tous les travaux nécessaires à la prospérité du pays, les privilégiés sont inutiles, voir nuisibles.

" Qu’est-il jusqu’à maintenant dans l’ordre politique ? " : rien, pour Sièyes, la France est une véritable aristocratie.

" Que désire-t-il ? " : être quelque chose, il faut les députés du Tiers-Etat soient membres du Tiers-Etat, il demande le doublement de la représentation du Tiers-Etat, et surtout le vote par tête.

Dans la seconde partie de son ouvrage, Sièyes se prononce pour la rédaction d’une constitution, elle ne peut être rédigé que par les Etats Généraux, elle doit l’être par le Tiers-Etat seul, plus ceux de la noblesse et du clergé qui abandonnent leurs privilèges. En janvier 1789, on a affaire à un texte novateur qui définit les revendications deu parti patriote, pour autant tout n’est pas encore jugé. Les cahiers de doléance ne sont pas rédigés, le problème du doublement est en parti résolu. Le règlement pour l’élection des députés n’a pas paru.

 

 

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