En France, le 18e est connu sous le nom de siècle
des Lumières, cela fait référence à l'éclosion intellectuelle qui marque
le 18e, elle ne se produit pas qu'en France, mais également en
Angleterre sous le nom "Enlightment", en Allemagne : "Aufklarung", en
Italie : "Illumismo". C'est un mouvement européen, il n'est pas unique :
les Lumières évoluent au cours du siècle et rassemble des individus qui
ne partagent pas les mêmes idées (Voltaire est contre l'instruction du
peuple, Diderot en est partisan).
C'est la diversité, cependant il est possible de
retracer les étapes du développement des Lumières, puis les traits
majeurs de la pensée des Lumières, et les moyens par lesquels les idées
nouvelles se diffusent.
I) Les étapes du
développement des Lumières
Ce mouvement des Lumières ne naît pas "ex-nihilo",
il a des origines que l'on peut retrouver dans la crise intellectuelle
qui marque la fin du 17e siècle. C'est une crise, qu'un grand historien,
Paul Hazard, a qualifiée en 1937 dans un ouvrage : « de crise de la
conscience intellectuelle», il a montré que dans les années 1680-1715 se
produit une crise de la conscience européenne, c'est tout simplement un
réexamen rationaliste de toutes les positions idéologiques : c'est le
début du triomphe de la raison sur la croyance c'est le moment où Locke
rédige ses ouvrages sur le gouvernement de l'Angleterre, moment
également où Spinoza achève d'écrire «L'Ethique» dans il lequel, il
déclare que les religions révélées sont les instruments du despotisme
des rois, et qu'elles sont incapables de résoudre le problème de Dieu et
de l'Âme. Il fonde sa démonstration sur la méthode mathématique, c'est
encore le moment où le protestant français, Pierre Bayle publie son
«Dictionnaire historique et critique». Il y dénonce toutes les
falsifications, les erreurs de la tradition judéo-chrétienne, il défend
l'usage de la raison, seule capable d'amener à une connaissance de Dieu,
il prône également la défense de la tolérance. C'est l'époque aussi où
Fontenelle (1657-1757) publie (en 1686) «L'Histoire des Oracles» :
plaidoyer en faveur de l'esprit critique, c'est un éloge de la raison.
Au lendemain de cette période, c'est le temps des
grands maîtres dont les écrits vont se faire audacieux entre 1740 et
1750 : Voltaire: «Les lettres philosophiques ou lettres anglaises»
(1744), c'est aussi Montesquieu et «L'Esprit des lois» (1748), c'est
enfin la grande aventure de «L'Encyclopédie» dirigé par Diderot et
D'Alembert qui de 1751 à 1772 va amener la publication de 17 volumes de
textes et de 11 volumes de planches qui présentent un tableau critique
des lettres, des arts, des sciences. Au milieu du 18e siècle, le
mouvement des Lumières atteint son apogée. Cet apogée va être compléter
par l'oeuvre de Rousseau qui dans les années 1750-1760 multiplie les
publications : «Discours sur l'inégalité...», «Du contrat social» en
1762. Avec Rousseau, les Lumières connaissent leur "panthéon".
Après 1770, les grands maîtres ont disparu, très
souvent, la dernière étape des Lumières est très critiquée, on critique
leur manque d'envergure, à tort. Car on y trouve quand même Condorcet
(1743-1794) qui à la veille de la Révolution a publié une multitude
d'ouvrages relevant des mathématiques, de la philosophie, etc..., il va
écrire «L'esquisse d'un tableau historique du progrès de l'esprit
humain». Dans cette dernière phase des Lumières, il y a des philosophes
qui n'ont pas la dimension de Voltaire, de Montesquieu, de Diderot, mais
qui ont un grand talent de vulgarisation : l'abbé Maby, l'abbé Raynal
qui vont savoir vulgariser la pensée des Lumières, la mettre à la
disposition d'un public qui n'a peut-être pas "l'instruction" suffisante
pour la comprendre. Ils vont aussi livrer des combats, avec un ton de
fureur assez neuf par rapport à celui de leurs prédécesseurs, contre le
despotisme, etc... . Au cours de cette période naît, beaucoup plus à
l'étranger, un mouvement de réaction contre le radicalisme des Lumières,
contre l'usage de la «raison desséchante», c'est le préromantisme qui se
met en place.
II) Les traits
majeurs de la pensée des Lumières
Les Lumières se sont des hommes, des femmes aussi,
qui vivent tout au long du siècle, ce sont des individus qui ont des
origines diverses, des idées politiques différentes. La pensée des
Lumières est une pensée multiple, les hommes des Lumières peuvent être
déiste comme Voltaire, d'autres athée comme le baron D'Holbach, d'autres
seront agnostiques. De même sur le plan politique, Montesquieu est
séduit par le régime anglais, Voltaire aussi, Rousseau se rallie à un
gouvernement plus démocratique, Diderot, lui, a fluctué entre sa passion
pour le despotisme éclairé et la démocratie.
Il existe cependant des traits communs :
• le cosmopolitisme :
Les élites au 18e siècle font preuve d'un réel
cosmopolitisme : Bayle écrit en 1700 : «Je suis citoyen du monde, je ne
suis ni au service de l'empereur, ni du roi de France, mais au service
de la vérité». L'abbé de Saint Pierre, quelques années plus tard en
1713, publie un projet de paix perpétuelle dans lequel, il propose la
création d'une union européenne avec un gouvernement central gouverné
tour à tour par chacun des Etats, avec un tribunal de la Paix et une
armée commune. C'est l'époque où c'était en français que l'on
s'exprimait.
La confiance dans la raison et dans l'esprit
critique :
Kant a écrit : «Qu'est-ce que les Lumières? : la
sortie de l'homme de sa minorité [...].Ais le courage de te servir de
ton propre entendement». Les hommes du 18e croient dans le progrès de la
science, le 18e voit se multiplier les découvertes scientifiques.
L'usage systématique de la raison, de la démonstration qui va pousser
certain à nier l'idée de l'immortalité de l'âme, l'existence de Dieu. Ce
"culte" de la raison sera nuancé dans l'oeuvre de certains des
philosophes des Lumières. On croit à la science, au progrès qui va faire
le bonheur des individus.
•La recherche de la liberté et le rejet de
l'arbitraire :
Ces valeurs résument les combats des Lumières, la
liberté, c'est le refus de l'arbitraire politique et judiciaire, c'est
la défense des libertés individuelles, la lutte pour l'émancipation des
derniers serfs français, la lutte pour la liberté économique, la lutte
pour la tolérance que l'on conçoit essentiellement comme une tolérance
religieuse : «L'affaire Calas» (1762) : un protestant de Toulouse est
condamné et exécuté pour avoir assassiner son fils qui voulait se
convertir au catholicisme, en 1765, la justice et le Parlement de
Toulouse sont forcés de reconnaître leur erreur, le fils s'est en fait
suicidé. La lutte contre la torture, la torture disparaît en France à la
fin de l'Ancien Régime. Il y a aussi la revendication de l'abolition de
la peine de mort (Beccaria 1764). Toutes ces idées se diffusent.
III) Les moyens de
diffusion des idées des Lumières
•Les liens de sociabilité :
Les idées des Lumières ont pu se diffuser au 18e
grâce à des liens de sociabilité : les Académies, les salons, etc... .
- les Académies, ce sont des assemblées de lettrés
(apparues au 17e) comme l'Académie Française (1635), l'Académie des
Sciences. Au 18e, il y une multiplication des académies de provinces,
dans la plupart des métropoles provinciales, ces académies provinciales
ont obtenu des lettres patentes, leurs membres viennent aussi bien de la
noblesse, du clergé, de la bourgeoisie. Ces académies sont des lieux de
rencontres, ce ne sont pas des lieux de contestation du pouvoir.
- les salons, ce sont des lieux de rencontres, ils
se multiplient au 18e siècle, rencontres mondaines et littéraires.
- le café, c'est un lieu où on peut lire le
journal, des livres, des revues, on y discute, certains sont connus
comme le «Café Procope», où on peut rencontrer Voltaire, Fontenelle,
etc... .
- les société d'agriculture
- les loges de la franc-maçonnerie
- L'imprimé : gazette, livres, etc... .
En conclusion, on
peut dire que la diffusion des idées des Lumières a sans aucun doute
favorisé la naissance d'une opinion publique, les idées des Lumières ont
favorisé la politisation des élites, les idées des Lumières n'ont agit
que sur une minorité, car dans cette France du 18e siècle, 65 à 70 % des
français ne savent pas lire.
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