Le roi et l'Etat au XVIe et XVIIe siècle
La marche à l'absolutisme

Dans la France des 16e et 17e, le roi est une personne hors du commun dont l'image est sacrée, dont les pouvoirs sont presque illimités. Tout ceci est le résultat d'une longue tradition qui se met en place depuis le Haut Moyen-âge, et que personne ne remet en cause. Cela ne veut pas dire que le roi n'est pas un homme incontesté durant ces deux siècles. Les souverains ont été menacés dans leur prérogatives, et ont même fait l'objet d'atteintes à leur personne physique (assassinat d'Henri III par Jacques Clément et d'Henri IV par Ravaillac). Ces dangers ont culminé pendant la période dite « des Guerres de Religion » (1562-1598) puis sous la Fronde (1648-1653), paradoxalement, ces dangers, ces temps de faiblesse, vont faciliter l'affermissement des pouvoirs du roi et vont contribuer à construire ce que l'on appelle la Monarchie Absolue.

I) Le roi et son image

Au 16e et au 17e, se déroulent de multiples cérémonies, comme le sacre, le lit de justice, les joyeuses entrées (au cours de ces voyages, le roi entre dans sa bonne ville et le magistrat de la ville vient l'accueillir à la principale porte d'entrée et lui remet les clefs de la ville) qui cherchent à frapper les esprits, à impressionner, a construire et à entretenir une image mythique du roi. Car le roi de France n'est pas un homme ordinaire, comme le souligne son caractère sacré, ses pouvoirs de guérisseurs, etc... .

A) Le caractère sacré de la personne royale

Le roi détient ses pouvoirs de Dieu (Charles Loiseau début 17e, Bossuet sous Louis XIV) et tout ceci lui donne un caractère sacré qui est rappelé solennellement au cours de la cérémonie du sacre. Ce n'est plus comme au Moyen-Age, un acte qui transmet le pouvoir politique, au 16e siècle, il est surtout marqué par l'aspect divin de son pouvoir, ceci a un arrière plan politique : cela permet de faire comprendre au pape et à l'archevêque de Reims que c'est Dieu qui fait le roi et pas eux, le pape ne peut exercer aucun pouvoir temporel sur le roi. Cette cérémonie a lieu à Reims sauf pour Henri IV qui sera sacré à Chartres en 1594. Le sacre se déroule dans la cathédrale de Reims et le roi prête serment de défendre l'Eglise, de servir la justice, le peuple. L'archevêque de Reims lui remet les insignes du pouvoir royal, dans la main gauche le sceptre qui symbolise le pouvoir de commandement, il reçoit aussi la main de justice, les éperons car il est chevalier, l'épée, le manteau parsemé de fleurs de lys, l'anneau et la couronne. Le roi reçoit après tous ces insignes, l'onction sainte en neuf endroits de son corps, l'onction est faite avec le Saint-Chrême, c'est à dire l'huile contenu dans une ampoule que la légende raconte avoir été rapporté à Saint Rémi par une blanche colombe pour le baptême de Clovis. Le roi est ensuite acclamé par l'assistance :« vivat Rex,vivat Rex». Jusqu'au règne d'Henri IV, les souverains communient sous les deux espèces (pain et vin), pour montrer que s'il n'est pas un prêtre, il n'empêche qu'il n'est pas comme les autres laïcs, il est bien le protégé de Dieu, ceci explique certains des pouvoirs surnaturels du roi.

B) Le roi guérisseur, le roi thaumaturge

Depuis le règne de Philippe Ier, le roi de France est un roi thaumaturge, il prétend guérir les scrofuleux (atteint d'une adénie), la scrofule est une maladie incommodante car elle se traduit par l'apparition de boutons purulents sur le visage (scrofule) qui entraîne des conséquences pulmonaires. Le roi, au lendemain de son sacre, passe en revue les scrofuleux et leur touche le front en prononçant : « le roi te touche, Dieu te guérit », et les récits racontent que les scrofuleux étaient guéris. Cette cérémonie est répétée au cours de l'année (Pâques, Noël, ....). Ce pouvoir thaumaturge existe aussi en Angleterre mais il y est bien moins implanté et bien moins respecté et il y disparaît au cours du 17e siècle. En France, il faudra attendre le 18e pour que de "mauvais esprits" remettent en cause ce pouvoir surnaturel.

C) L'union du roi avec son peuple, avec l'Etat, avec le royaume

- Lors du sacre, le roi reçoit un anneau, cet anneau signifie que le roi est lié d'une manière indissoluble à son peuple et à son Etat. Le roi n'est plus une personne privée, il doit s'investir tout entier au service du public. Il y a union du souverain avec son Etat, son peuple, son royaume.

- La permanence de la fonction royale: le roi est un homme, son corps est mortel, il doit disparaître, tout le monde le sait. A l'instant même où le roi meurt, son successeur est automatiquement désigné : « Le roi est mort, vive le roi ». Si l'enveloppe charnelle disparaît, subsiste ce que l'on appelle son corps mystique, c'est à dire la fonction royale, il y a permanence de la fonction royale.

- Le roi est une personne publique.

- L'union du roi avec son état, son royaume, son peuple entraîne l'infaillibilité du souverain. Puisqu'il est unit à son peuple, il en connait les besoins, il est en quelque sorte comme le père, le roi peut agir en père pour son peuple, le roi peut aller à l'encontre d'un vœu émis par son peuple.

II) Les pouvoirs du roi

Le roi dispose de très vastes pouvoirs

A) Le roi est le suzerain des suzerains, il est à la tête de la pyramide féodale instaurée sous les Mérovingiens et le Carolingiens. Le roi est le supérieur hiérarchique de l'ensemble des seigneurs. Tenant son pouvoir de Dieu, il est le lieutenant de Dieu sur terre. Le roi est empereur en son royaume, et à ce titre il possède des droits régaliens.

B) Ses pouvoirs sont très larges :

- le roi fait les lois : « Si veut le roi, si veut la loi », le roi est la source du droit, il prend des édits, des ordonnances et publie des déclarations.

- le roi rend la justice : - justice retenue : exercer par le roi lui-même.

- justice déléguée : aux tribunaux royaux.

- justice concédée : au seigneur, à l'église.

- droit de battre monnaie , c'est un vecteur de l'image royale.

- droit de lever l'impôt.

- droit de faire la guerre.

C) Le roi de France est un despote?

Le roi de France n'est pas un despote car :

- il gouverne dans l'intérêt de son peuple, il est attentif à ses "soupirs".

- les pouvoirs du roi sont limités :

- par le droit divin : le roi sait qu'il aura des comptes à rendre à Dieu, une fois mort

- par les lois naturelles, c'est à dire le droit de propriété, la liberté individuelle

- par les lois fondamentales, celles-ci ne sont pas une constitution, ce sont des règles qui ce sont fixées d'une façon empirique, en règle générale lors de crises : par exemple : la primogéniture masculine : à la veille du déclenchement de la Guerre de cent ans lorsque le dernier capétien meurt et qu'un roi anglais veut monter sur le trône.

- le roi ne peut aliéner le domaine de la couronne.

- il y a d'autres limites, jusqu'en 1661, la présence d'un "premier-ministre", la désobéissance de certains officiers du royaume, l'opposition des officiers de loi. Il y a aussi l'étendu du royaume, la diversité des dialectes, les privilèges des provinces.

III) L'affermissement réussi du pouvoir royal

En effet au 16e et au 17e, on constate une lente marche vers le renforcement des pouvoirs du roi vers un contrôle progressif de toutes les oppositions : mise en sommeil des parlements, éloignement de la Noblesse, du pouvoir.

Le contrôle des populations ne s'est pas fait sans difficultés, il y a eu des oppositions à cette centralisation du pouvoir hiérarchique : la Ligue, les révoltes populaires lors de la Guerre de Trente ans, la Fronde des nobles, la Fronde des parlements. Ces oppositions ont été matées dans le sang, elles ont permis, un fois matée, à Mazarin et à Louis XIV de renforcer nettement la centralisation du royaume (Colbert).

De François 1er à Louis XIV, les rois de France sont parvenus à surmonter toutes les oppositions jusqu' à la fin du 17e siècle.

 

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