L'affaiblissement de l'Etat moderne dans la France du XVIIIe siècle
 

Evolution de la France d'Ancien Régime au 18e siècle sous les règnes de Louis XV (1715-1774) et de Louis XVI (1774-1793)

Il y a au cours du 18e siècle, un affaiblissement et un effondrement de l'Etat moderne, tout au long du 18e, la prétention royale à l'absolutisme persiste, Louis XV et Louis XVI se veulent des rois absolus, dignes héritiers de Louis XIV, mais désormais, la monarchie est contestée, elle est attaquée par la vieille noblesse, par les jansénistes, par les parlementaires, par les philosophes.

Après la mort de Louis XIV, l'équilibre politique du siècle précédent disparaît en quelques jours. On assiste à une conjonction d'oppositions, d'autant plus graves, qu'elles coïncident avec des difficultés essentiellement financières, difficultés qui sont sans précédent, la France n'est pas un Etat pauvre mais elle souffre d'un déséquilibre formidable de ces finances. A la mort de Louis XIV, en 1715, le trésor est près de la banqueroute, il est en déficit de deux millions de £, ce ne sont que les expédients et les emprunts qui soutiennent le régime. La situation va aller en empirant au cours du 18e siècle. Ce qui a été grave, c'est que la monarchie est apparue impuissante à résoudre cette question, l'autorité de la monarchie vacille, ce sont des oppositions, des difficultés qui contraignent Louis XVI à convoquer les Etats Généraux pour 1789.

I) La monarchie contestée

Louis XIV avait fait disparaître toutes les contestations, celle des nobles ( écrasement de la Fronde des Princes), celle des parlements (en 1673 : limitation sévère du droit de remontrance), celle des protestants (révocation de l'Edit de Nantes par l'Edit de Fontainebleau en 1785), il avait mis fin au révoltes paysannes (la dernière remonte à 1675 : la révolte des Bonnets Rouges).

Le 18e siècle voit le renouveau des contestations, le roi doit faire face aux prétentions des nobles, des jansénistes et des parlementaires.

A) L'opposition nobiliaire

Louis XIV avait été profondément marqué par le Fronde, par cette Fronde des Princes, à laquelle de grands nobles comme le prince de Condé, le prince de Conti avaient participé. Louis XIV, inspiré par Mazarin avait fait le choix de gouverner sans la vieille noblesse, les princes de sang avaient été tenus à l'écart des affaires du royaume. Cela ne veut pas dire pour autant que cette vieille noblesse renonce à jouer un rôle politique, cette aspiration à jouer un rôle réapparaît à la fin du règne de Louis XIV (vers 1690 : guerre de la Ligue d'Augsbourg, guerre de la Succession d'Espagne).

Ce mouvement aristocratique a des représentants : le duc de Saint Simon (1675-1755), de très haute noblesse, ne cesse de revendiquer dans ces mémoires, la restauration des pouvoirs et de l'honneur de la noblesse, il dénonce le « règne de la vile bourgeoisie».

Cette opposition aristocratique a débouché sur l'élaboration de projets politiques, comme le projet élaboré dans l'entourage du duc de Bourgogne (Dauphin), Fénelon, le duc de Beauvillier, duc de Chevreuse qui font l'éducation du Dauphin, rédigent un projet politique connu sous le nom de « Tables de Chaulnes », ce projet prévoyait un retour de la haute noblesse aux affaires et également une consultation régulière des Etats Généraux, dans lesquels, noblesse et clergé joueraient le rôle essentiel, la mort du Dauphin en février 1712 a entraîné l'abandon de ce projet, cependant en 1715, le régent, Philippe, duc d'Orléans va pour des raisons tactiques essayer de répondre aux inspirations de la haute noblesse en instaurant un gouvernement appelé Polysynodie, il est constitué de huit conseils, dans lesquels, il y avait une sur-représentation de la noblesse, ce sera un échec, cette expérience sera interrompu dès 1718, pour autant les prétentions de la vieille noblesse ne vont pas disparaître. Tout d'abord, elles vont s'exprimer dans des ouvrages d'histoire, en particulier dans un ouvrage de Boulainvilliers. Mais surtout, ces prétentions vont se traduire à la fin de l'Ancien Régime sous Louis XVI par la réaction nobiliaire, qui voit un retour de la vieille noblesse au pouvoir (ex : monopole des charges de commandement pour la noblesse). Cette opposition n'est cependant pas la plus dangereuse.

B) L'opposition janséniste

Cette opposition est beaucoup plus dangereuse pour la monarchie que l'opposition nobiliaire. Le jansénisme était avant tout un courant religieux qui défendait une vision pessimiste de l'humanité et qui prétendait que l'homme ne pouvait être sauver que par la grâce divine, accordée qu'à quelques élus.

Ce courant se développe en France au milieu du 17e siècle, il a fait de nombreux adeptes dans les milieux parlementaires, ce qui lui donne aux yeux de Louis XIV, une dimension politique. Les jansénistes seront persécutés par Louis XIV, et il acceptera la Bulle Unigenitus (condamnant le jansénisme). En 1730, les parlementaires parisiens se sont opposés à l'enregistrement de cette bulle comme loi de l'Eglise et de l'Etat.

Le jansénisme avait aussi gagné à sa cause, de très nombreux prêtres (cf affaire des billets de confession 1749-1754). En 1749, l'évêque d'Amiens et l'archevêque de Paris décident d'interdire aux prêtres de leurs diocèses de donner les derniers sacrements à quiconque ne présenterait pas un billet de confession attestant leur acceptation de la bulle Unigenitus.

Le jansénisme représentait une contestation de l'absolutisme religieux du souverain.

C) L'opposition parlementaire

Au lendemain de la mort de Louis XIV, le duc d'Orléans fait casser le testament de Louis XIV par le parlement de Paris, mais en compensation, il restitue aux parlements, le droit de remontrance dans sa plénitude. Tout au long du siècle, les parlements vont lutter contre l'ultramontanisme royal, en faveur du jansénisme, pour le rétablissement des libertés principales, etc... .

On voit naître une véritable doctrine parlementaire, en particulier dans l'oeuvre de l'avocat Le Paige qui en 1763 publie un ouvrage, dans lequel il démontre que les parlements sont finalement une représentation de la nation, et donc qu'ils ont le droit d'accepter ou de refuser la loi. Les parlements comme contre-pouvoir au pouvoir royal, cette opposition a joué un rôle indiscutable dans la chute de l'Ancien Régime.

II) Une autorité vacillante

Depuis le 16e et le 17e siècle, les souverains se sont heurtés à la contestation des nobles et des parlements, ici le problème, c'est qu'elles interviennent dans un contexte d'affaiblissement de la monarchie.

•le pouvoir divin du roi :

Au 18e, l'image du roi se laïcise, beaucoup d'individus au 18e considère le roi comme un homme ordinaire. La monarchie se trouve remise en cause dans ses fondements théoriques.

•les affaires jansénistes :

Cette monarchie a remporté sous Louis XV quelques victoires contre le mouvement janséniste, le jansénisme épiscopal a disparu, cependant le jansénisme parlementaire ne disparaît pas.

•l'opposition parlementaire n'a pu être maîtrisée, même si 1771, Louis XV et Maupéou prennent une décision très énergique : une réforme judiciaire : le parlement de Paris est supprimé et divisé en conseils supérieurs, la vénalité des offices est supprimé, le droit de remontrance est très limité, ce sera les derniers feux de l'absolutisme. Louis XV meurt en 1774, Louis XVI, très mal conseillé abolit la réforme Maupéou et rétablit les parlements dans leurs prérogatives; cette décision est une faute d'autant plus grave que l'Etat au même moment traverse une grave crise financière.

III) Le redressement impossible

Les dernières décennies du 18e, voient le royaume plongé dans une crise profonde, elle a une double nature :

•de nature administrative :

la France a besoin d'une réforme administrative, d'une part l'autorité des intendants est de plus en plus mal supportée, de toutes les provinces, montent un appel à plus d'autonomie, les différents ministres qui vont se succéder, Necker, Turgot, Calonne, Loménie de Brienne en sont bien conscients et vont s'atteler à cette question : des projets de réforme visant à créer des assemblées provinciales et à transférer une partie des pouvoirs des intendants à ces dernières vont se multiplier (en 1778, 1781, etc...). Ces projets avortent, même quand ils sont mis en route, du fait du problème financier.

•de nature financière :

Les expédients ne suffisent plus, il faut une réforme profonde du système fiscal français, il faut attendre 1786, pour que Calonne propose au roi un projet ambitieux : les privilèges fiscaux sont supprimés : tout le monde payera l'impôt, Calonne est renvoyé, Loménie de Brienne propose en 1787, une réforme qui va dans le même sens. En 1788, le trésor est vide et le seul moyen d'éviter la banqueroute est de convoquer les Etats Généraux, pour obtenir la création de nouveaux impôts. Cette convocation intervient à un moment où de forts mécontentement se produisent dans le pays essentiellement dus à la réaction seigneuriale, à la réaction nobiliaire. Par exemple en 1781, une réforme militaire intervient, réforme qui dit que pour obtenir le grade de sous-lieutenant, il faut faire la preuve de quatre quartiers de noblesse.

A une phase de croissance, succède à partir de 1744, une phase de déprime économique et de mauvaises récoltes.

 

En conclusion : si la monarchie a continué d'avoir des prétentions politiques tendant à l'absolutisme, les choses ont bien changé, c'est dans une atmosphère de contestation de la monarchie que les français sont appelés durant l'hiver 1788-1789 à rédiger les cahiers de doléances, mais c'est avec un esprit de confiance dans le roi qu'ils vont rédiger ces cahiers, les français sont convaincus que le roi va résoudre tous les problèmes.
 

Goubert, Pierre. L'Ancien Régime. tome 1 : la société, tome 2 : les pouvoirs. Paris, Armand Colin, 1967.

 

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