Généalogie et onomastique

Présentation effectuée par Jean TOSTI (résumé d'une conférence)

Le généalogiste, en remontant les siècles, découvre sur son nom des variantes souvent inattendues qui obligent le spécialiste de l'onomastique à revoir sa copie, pour son plus grand bonheur faut-il le préciser.

J'ai la faiblesse de croire que mes travaux sur l'origine des noms de famille sont parfois utiles aux généalogistes.
Mais il ne faut pas oublier que cette relation ne se fait pas à sens unique et que, presque chaque jour, je reçois des messages de généalogistes éclairant d'un jour nouveau tel ou tel patronyme, et remettant en cause des définitions erronées reprises depuis des décennies par tous les dictionnaires.
Car le généalogiste, en remontant les siècles, découvre sur son nom des variantes souvent inattendues qui obligent le spécialiste à revoir sa copie, pour son plus grand bonheur faut-il le préciser.


De Guiheneuf à Dix-Neuf :
L'un des exemples les plus spectaculaires est celui du patronyme Dixneuf (écrit parfois aussi Dix-Neuf), pour lequel le dictionnaire de Dauzat donnait la définition suivante :

"Nom probable d'enfant trouvé (date du jour où il a été trouvé, ou chiffre sur les langes)."

Dauzat précisait même que le nom était porté dans la Seine, ce qui est faux : la plupart des Dixneuf se rencontrent dans l'Ouest (Vendée, Maine-et-Loire notamment).
Si l'on feuillette le dictionnaire de Marie-Thérèse Morlet, du moins dans sa dernière version datée de 1997, on s'aperçoit avec surprise que la définition a totalement changé et que la localisation géographique a été corrigée :

" Dix-neuf (Bretagne, Vendée) : forme altérée de Guiszeneuf, Guiheneuf (XIIIe s), var. de Guiheneuc, représentant le n. de bapt. Guezennec, var. Guehennex, -enneuc < vx breton uueithein, combat."

Que s'est-il donc passé entre temps ? Soit une inspiration géniale de M.T. Morlet, soit plutôt la rencontre d'un généalogiste qui lui aura fait découvrir de nouveaux éléments.
C'est en tout cas ce qui m'est arrivé grâce à un internaute (que je remercie au passage s'il a l'occasion de lire ces lignes) dont les précisions ne laissent aucun doute sur la transformation du patronyme : dans la commune de Boussay (44), est né en 1781 un enfant du nom de Guiheneuf, décédé deux ans plus tard.
Or, sur l'acte de décès, le nom est devenu Dixneuf, celui des parents subissant la même transformation dans les actes ultérieurs.
Donc, pas d'enfant trouvé, pas de chiffre sur les langes, mais tout simplement un ancien prénom breton modifié par l'incompréhension d'un curé !

D'autres transformations :
On m'a demandé récemment de donner une explication au nom Verrot.
Après bien des hésitations et des tâtonnements, je suis arrivé à la définition suivante :

"C'est dans l'Ardèche que le nom est le plus répandu, mais les plus anciennes mentions connues le situent plutôt vers la Bourgogne. Difficile de savoir s'il faut le rattacher au verre ou au verrou, ou à une troisième solution qui pourrait être la meilleure : l'ancien français ver (= sanglier, verrat)."

Mais un message reçu par la suite m'a amené à tout remettre en question.
Le nom Verrot s'est écrit autrefois Virrot, ce qui permet d'envisager une autre origine, sans doute un toponyme : un hameau s'appelle le Virrot à Saint-Bonnet-de-Cray (71).
Il reste bien sûr à trouver le sens de ce toponyme et à savoir si le phénomène s'applique à tous les Verrot.
Mais cet exemple montre à nouveau que les théories échafaudées par les onomasticiens reposent parfois sur du sable.

Je me rappelle il y a quelques années avoir eu en classe (je suis professeur) une élève appelée Belhache, nom absent des dictionnaires mais dont je m'étais aussitôt dit qu'il devait être arabe ou berbère, et j'étais resté assez incrédule lorsqu'elle m'avait affirmé que sa famille venait de Normandie.
Elle avait bien sûr raison, et j'ai appris par la suite que Belhache était une variante de Baillehache, surnom donné soit à un guerrier qui porte une hache, soit à un bourreau.
On consultera à ce sujet l'excellent site de la famille Baillehache.


Le piège des migrations :
Lorsqu'on étudie un nom porté dans les Pyrénées-Orientales depuis au moins quatre siècles, on a forcément envie de lui donner une origine catalane.
Mais c'est bien souvent une erreur, car cette région a connu un afflux migratoire impressionnant (ce que j'ai appris peu à peu à mon corps défendant), les nouveaux venus étant originaires le plus souvent des Pyrénées centrales et occidentales, mais aussi du Rouergue, du Limousin, voire de l'Auvergne.
On trouve même des noms auvergnats à Barcelone, preuve supplémentaire de l'ampleur du phénomène.

A titre d'exemple, même si la migration n'a rien de spectaculaire, le patronyme Costesèque, Costasèque, Costaseca, si fréquent dans les Pyrénées-Orientales, trouve sans doute ses racines dans l'Ariège (voir le site lui aussi excellent de Corinne Costesèque).
Et que dire des scieurs de long du Forez ou des maçons de la Creuse, sinon qu'eux aussi depuis des siècles sont allés dans tous les coins de France, implantant leur patronyme dans des régions souvent très éloignées du lieu d'origine.
De tels phénomènes multiplient les risques d'erreur, mais là encore le généalogiste, par ses longues et minutieuses recherches, permet de rectifier le tir.


Autrement dit, généalogie et onomastique sont des sciences complémentaires, chacune ayant besoin de l'autre pour affiner ses recherches.
Il va sans dire que je serais heureux si, grâce à vos découvertes, vous pouviez me permettre de mieux expliquer l'origine de certains noms.

 

Tous droits réservés - Copyright 2020 Urtxoko