S'il est un domaine dans lequel le dictionnaire de
Marie-Thérèse Morlet
(Dictionnaire étymologique des noms de famille, Perrin, 1991-1997), au
demeurant excellent, montre certaines faiblesses, c'est lorsqu'il explique
un nom de famille sans tenir compte de son origine géographique, ou, pire,
en fournissant une origine erronée.
Ce qui nous vaut, dès la première page, une assez surprenante définition du
nom Abecassis, qu'elle situe dans
l'Ain (allez savoir pourquoi !) et qu'elle
considère comme un dérivé de "bécasse", un oiseau dont elle précise qu'il a
symbolisé la bêtise.
Faut-il le rappeler, Abecassis est un nom juif méditerranéen dont
l'étymologie est certes controversée, mais qui n'a strictement rien à voir
avec la bécasse : il y a de fortes chances pour qu'il signifie père âgé
(araméen 'abba' = père + qashîsh = âgé).
Autre possibilité souvent évoquée :
père du prêtre (qassîs).
Décidément fâchée avec les noms méditerranéens, M.T. Morlet nous dit que
Belarbi serait la forme latinisée de
Belabre (= le bel arbre), alors qu'il
s'agit d'un nom arabe désignant le fils de l'Arabe (Ben Larbi).
Les noms
bretons ne sont pas forcément mieux traités : elle fait de
Caudal un nom
méditerranéen dérivé de "cauda" (= queue) et désignant un terrain "en forme
de queue", oubliant que la plupart des Caudal se rencontrent dans le
Morbihan, et que le patronyme est tout simplement une variante de
Cadoudal (il existe en France un seul exemple de Caudal méditerranéens, leur nom
étant une déformation de Coudal, terrain caillouteux).
De la même manière,
le nom savoyard Arpin est situé par elle dans le Centre, l'Ouest et le Midi,
le catalan Autonès se retrouve dans les Alpes-de-Haute-Provence, et le
nivernais Carroy en Picardie !
De telles erreurs étaient explicables autrefois, mais elles ne devraient
plus se produire aujourd'hui, nous allons expliquer pourquoi.
Inutile de
dire qu'elles sont très préjudiciables au généalogiste débutant,
l'entraînant sur de fausses pistes qui risquent de lui faire perdre des
mois, voire des années de recherches.
Donc, profitons des outils qui sont
disponibles aujourd'hui grâce aux progrès de l'informatique, et Dieu sait
s'ils sont nombreux !
Pour ma part j'utilise en priorité l'énorme ouvrage de
Laurent Fordant "Tous
les noms de famille de France et leur localisation en 1900" (Archives &
Culture, 1999), qui d'un seul coup d'oeil me permet de voir les trois
départements dans lequel un nom est le plus porté et d'en découvrir toutes
les variantes, toujours avec leur localisation.
Un exemple pris au hasard :
le nom Larzillère, très rare (56 naissances en cent ans) est surtout porté
dans l'Aisne, avec un maximum de naissances à
Origny-en-Thiérache.
J'apprends qu'il y a aussi des Larzillère en
Seine-Saint-Denis et en
Seine-Maritime.
Mais j'apprends surtout qu'il y a une variante Larzillière,
beaucoup plus répandue (857 naissances), et qu'elle aussi est portée dans
l'Aisne, également à Origny.
Autres départements : la Somme et la
Seine-Maritime.
Toujours dans le même ouvrage, les formes voisines Largillère (27, 59, 60) et
Largillière (59, 62, 75) me confirment qu'il
s'agit certainement d'un toponyme ayant le sens de "lieu argileux", localisé
dans le nord de la France. Le tout en quelques secondes !
Je ne peux cependant vous conseiller, vu son prix et son poids, l'achat de
cet ouvrage si vous n'avez que deux ou trois noms à y rechercher.
D'autant
qu'Internet est là pour voler à votre secours. Et d'abord, charité bien
ordonnée commençant par soi-même,
GeneaNet
avec ses 46 millions de patronymes.
Je n'y trouve que quatre Larzillère,
localisés dans l'Aisne au XIXe siècle, mais ma récolte est plus importante
avec les Larzillière : ils sont en tout trente-quatre (correspondant à
plusieurs dizaines d'actes différents), pratiquement tous dans l'Aisne, la
plus ancienne mention remontant à 1619 ( à Chéry-lès-Pouilly).
Continuons notre vérification avec les sites de SWIC :
la
recherche d'un
acte ne nous donne pratiquement aucun Larzillère, mais 166 actes
concernant les Larzillière. Là encore, l'Aisne est majoritaire, devant la
Meuse et les Ardennes.
La carte de France
de votre nom de famille nous confirme que, vers 1900, l'Aisne était en
tête devant les Ardennes et la Seine-Maritime pour Larzillère, le tiercé des
Larzillière étant à peine différent (Aisne, Ardennes, Meuse).
N'oublions pas
aussi l'annuaire
électronique : 12 abonnés Larzillère dont 7 dans l'Aisne, 200
Larzillière dont 50 dans l'Aisne.
Enfin, votre moteur de recherche préféré (Google
par exemple) vous donnera 28 occurrences de Larzillère et 235 de Larzillière,
une bonne occasion de découvrir des cousins parfois célèbres.
La méthode a bien entendu ses limites. En particulier, elle peut
difficilement tenir compte d'éventuelles migrations antérieures au XVIIe
siècle, nos ancêtres étant parfois moins sédentaires qu'on a bien voulu le
dire.
Mais vos recherches généalogiques seront là pour affiner les
résultats, l'informatique ne pouvant quand même pas tout faire à votre
place, heureusement.
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