Car il s'agit bien au départ de surnoms, comme l'ont d'ailleurs retenu les
Anglais qui continuent à dire name pour prénom et
surname pour nom de
famille.
Ces surnoms étaient devenus nécessaires pour éviter les homonymies
: dans un village où un habitant sur trois s'appelait Martin, il fallait
bien arriver, ne serait-ce que pour le paiement des redevances
seigneuriales, à distinguer tous ces Martin les uns des autres.
On peut penser que les surnoms existaient déjà dans la vie courante, ils se
sont simplement peu à peu officialisés.
Leur formation est assez facile à
comprendre, et on a l'habitude de les classer en quelques catégories,
finalement peu nombreuses :
1. Les noms de personne (ou « prénoms »).
Nos Martin avaient tous (ou à peu près) un père ou une mère.
C'était un bon
moyen de les reconnaître, il y avait le Martin fils de Jacques, le Martin de
Pierre, celui de Michel ou celui ? de Martin.
Et donc le Martin fils de
Pierre va s'appeler Martin Pierre. Quant au Martin fils de Martin, il
s'appellera peut-être Martinet, Martineau, Martinel. Car le français,
presque autant que l'italien, fait un grand usage de suffixes diminutifs
qui, accolés à un nom très répandu, donneront d'innombrables variantes.
On
estime que plus de 40 % des Français portent un prénom comme nom de famille.
Si ce prénom est masculin, on l'appellera patronyme (nom transmis par le
père) ; s'il est féminin, ce qui est beaucoup plus rare sauf dans quelques
régions de France (le Calvados notamment), on parlera de matronyme.
Parmi ces prénoms, on trouve de nombreux noms d'origine germanique, qui
s'étaient développés avec les grandes invasions et étaient ensuite devenus
très à la mode.
Il suffit de songer que Charles, Gérard, Guillaume, Louis ou
Thierry sont tous des noms de personne d'origine germanique.
Donc, si l'on
vous dit que vous portez « un nom de personne d'origine germanique »,
n'allez pas croire pour autant que vous avez des ascendants allemands !
2. Les noms de métier.

Un autre moyen bien utile de différencier nos Martin, c'est de donner à
quelques-uns d'entre eux le nom de leur métier.
Pour cela, il faut
évidemment que celui-ci soit assez rare dans le village, autrement cela ne
servirait pas à grand-chose.
D'où le succès du forgeron : il y en avait un
par village, et rarement plus d'un, ce qui explique que tant de gens
s'appellent Fabre, Faivre, Faure, Lefèvre, ou encore Le Goff (le même métier
en breton).
Parmi les autres métiers à succès, on notera le meunier, le
fournier et le boulanger (autrefois pistre ou pestre), un trio indispensable
dans chaque village.
3. Les sobriquets.

On appelle sobriquet un surnom lié à une caractéristique physique ou morale,
à une anecdote, à un comportement particulier.
Ces surnoms sont très
nombreux et souvent bien difficiles à expliquer, surtout lorsqu'il s'agit
d'une anecdote.
Mais il y a aussi, et ce sont les plus répandus, les
Legrand, Leblond, Lesage et autres Leriche, qui ne posent pour leur part
aucun problème.
Beaucoup de ces sobriquets sont donnés par métaphore ou par
métonymie : lorsque quelqu'un s'appelle Poisson, on fait une métaphore si on
le compare à un poisson (à cause de son mutisme ou de ses yeux globuleux par
exemple) ; si par contre le surnom lui a été donné parce qu'il pêche ou vend
des poissons, on parlera de métonymie.
Bien entendu, la différence est le
plus souvent impossible à faire aujourd'hui. De même, allez savoir pourquoi
quelqu'un a été appelé Loiseau ou Lechat !
4. Les termes géographiques ou topographiques.

C'est la dernière catégorie, et elle recouvre de nombreuses possibilités :
le principe est de donner comme surnom à notre ami Martin le lieu où il
habite ou celui dont il est originaire.
Le phénomène fonctionne de façon
excentrique (en partant du centre, autrement dit le village) :
Il y a d'abord celui qui habite à tel ou tel endroit caractéristique du
village : Martin Dupont habite près du pont, Martin Léglise près de
l'église, Martin Delaporte près de la porte fortifiée.
Ensuite, élargissant le cercle, on trouve tous ceux qui habitent dans des
hameaux ou des fermes isolées.
Ils portent le nom de leur hameau, et le plus
souvent il faut avoir recours aux cartes IGN ou au cadastre pour les
reconnaître.
Une autre catégorie est celle des gens qui vivent au village, mais sont
originaires d'une autre localité. On les reconnaît plus facilement
aujourd'hui, surtout s'ils s'appellent Toulouse ou Marseille (attention
cependant, il n'y a pas forcément en France qu'un seul Toulouse ou qu'un
seul Marseille).
Enfin, élargissant encore le cercle, on rencontre ceux qui viennent de
régions ou de pays plus ou moins éloignés. Ils s'appellent Poitevin,
Percheron, Savoye, Langlais, Lebreton ou Lespagnol, et on peut les trouver
très loin de leur région d'origine.
Telles sont les quatre grande catégories de surnoms, autrement dit de noms
de famille, que l'on trouve aussi bien en France que dans la plupart des
pays d'Europe, dans des proportions qui varient selon les habitudes des uns
et des autres (par exemple les noms basques sont presque tous des toponymes,
autrement dit des noms de lieux).
Ce sera peut-être l'occasion d'un autre
article. |