Un test génétique, pourquoi faire ?

J’ai toujours été attristée par le peu d’informations dont nous disposons sur les femmes et les hommes qui ont forgé la chaîne conduisant à notre existence. Au-delà de mes arrière-grands-parents, voire arrière-arrière-grands-parents pour quelques-uns, je n’ai plus ni image ni nom, et le secret de mes racines se noie dans l’oubli. 

J’ai toujours envié aux familles aristocratiques non pas leurs titres et leurs armes, mais bien leurs arbres généalogiques ancrant la vie de chacun dans une histoire séculaire, leurs portraits d’ancêtres et leurs reliques précieusement conservées.

J’aurais adoré mettre des noms, des lieux de naissance et de décès sur des morceaux d’ADN, chercher un bout de moi dans les traits d’une trisaïeule, et imaginer leurs vies. L’éternel néant dans lequel sont retombés ceux dont je descends me plonge parfois dans un vertige métaphysique.

Et puis, j’ai appris qu’un test génétique proposait de lever une part du voile, et d’identifier dans notre ADN les segments qui nous associent à telle ou telle région du monde.

Pour un voyageur, c’est une grande source de fantasme, et j’avoue que je me suis imaginé des ascendances vikingo-grèque, dans un grand combo de tout ce qui me fait rêver : navigations au long cours, constellations bienveillantes et mythologie.

J’avais lu des histoires hallucinantes suite à des tests ADN de ce type.

Une Canadienne qui se croyait descendante de migrants européens à 100% s’est découvert une part de sang amérindien. En faisant des recherches généalogiques poussées, elle a appris que son arrière-grand-mère, prénommée « Jeanne » et qu’elle croyait française, était en réalité une Amérindienne convertie et rebaptisée de force par les colons.

Une Américaine d’origine asiatique, qui pensait son ascendance limitée à cette partie du monde, s’était découvert un héritage africain lié à la douloureuse histoire de l’esclavage dans le Sud des Etats-Unis.

Je m’imaginais bien me découvrir une origine exotique et bouleversante, aller voir ma famille en leur expliquant que nous étions en réalité les descendants de Gengis Khan, d’Erik le Rouge ou de Daenerys Targaryen.

Un test génétique pour s’ouvrir au monde

Vous avez peut-être déjà vu passer sur Facebook les vidéos touchantes où des jeunes gens se découvrent des origines qui remettent en cause leur vision du monde, par exemple celle d’un jeune Anglais un peu raciste qui n’aime pas les Allemands et voit son ascendance germanique révélée. Ces vidéos ont été réalisées dans le cadre du concours.

Puisque les voyages ouvrent sur le monde, l’idée est d’aller plus loin encore, et de comprendre quel part d’altérité culturelle et géographique nous portons en nous. Le concours se veut porteur de valeurs humanistes, de tolérance et d’acceptation de l’autre. Je me dis souvent que j’aimerais l’offrir à tous les identitaires qui clament haut et fort être « Français de souche », pour leur montrer l’inanité de ces fantasmes. Trop de gens ignorent de quel brassage l’immense majorité d’une population européenne est issue.

Personnellement, je n’ai pas eu de grande révélation existentielle, car je n’avais aucun délire de pureté raciale, je ne me suis jamais imaginée « de souche » quoi que ce soit. Née en France de deux parents français, élevée en France et y ayant fait la majeure partie de mes études, j’ai toujours ressenti naturellement mon identité française. Mon appartenance cette culture, mon identification à mon pays, est spontanée, intuitive et logique. Mais j’ai toujours su être un produit hybride sur le plan génétique, et je me doutais bien que le test ADN ne dirait pas forcément « France ». J’ai grandi en Gironde et je me suis toujours pleinement identifiée à la Gascogne. Il s’agit d’une conviction culturelle profonde, mais je savais qu’elle ne serait que très peu validée par l’ADN.

Cela ne me perturbe pas : depuis Renan, on sait que la nation est « un plébiscite de tous les jours », et qu’être français n’est pas un label ethnique, mais un assentiment du cœur et de l’esprit à la communauté nationale.

Un test ADN pour identifier son ascendance ethnique – comment ça marche ?

Momondo travaille avec Ancestry DNA, une importante compagnie américaine (les tests génétiques étant illégaux en France), leader sur le marché du test ADN avec MyHeritage. Ancestry DNA et MyHeritage proposent un test dit autosomal, qui tient compte à la fois des marqueurs paternels et maternels. Il est également possible de tester l’ADN mitochondrial (maternel) et, pour les hommes seulement, l’ADN porté par le chromosome Y (paternel). Ancestry DNA et MyHeritage possèdent une très large banque d’échantillons ADN de toutes origines, en permanence enrichie par les nouveaux tests de leurs clients, et permet ainsi de retracer l’origine ethnique avec une précision toujours accrue. Dans mon cas particulier, un élément précis m’a convaincue de la fiabilité du test – je vous en dis plus à la fin de l’article.

Minute glamour : comment on fait, concrètement, pour tester son ADN chez Ancestry DNA? Je vous préviens, c’est peu ragoûtant : il faut cracher dans un petit tube jusqu’à ce que la salive atteigne une quantité suffisante, matérialisée par un trait transparent. Ensuite, on mélange à la salive un produit bleu qui la conserve, et on envoie cette charmante mixture traverser les océans par transporteur. Voilà, c’était le moment sexy.

Chez MyHeritage, c’est avec l’aide de bâtonnets que l’on frotte à l’intérieur de nos joues, après avoir pris certaines précautions, ensuite les bâtonnets sont mis dans deux flacons qui sont envoyé à la société aux Etats-Unis.

Ce que je savais de mon ascendance génétique, avant le test ADN

Ma mère a grandi dans les landes girondines, à Cabanac et Villagrains en Gironde, idem pour mon père.

Mes grands-parents paternels et maternels, sont également du même village Cabanac et Villagrains, qui plus est Les hauts de Villagrains.

 

Résultats du test ADN : Yo Soy Español

Le test ADN est revenu environ un mois après mes méticuleux frottis sur les bâtonnets.

On m’a expliqué qu’il se décomposait en deux parties : l’ethnicité, basée sur l’origine de mes ancêtres il y a des milliers d’années, et la communauté génétique, révélant où mes ancêtres vivaient il y a des centaines d’années.

La première surprise : mon ethnicité Ibère à 79,4 %, 18,6 Ouest et Nord Européen et 2% Irlandais Ecossais et Gallois. Quitte à ne pas être français de souche, j’avais secrètement rêvé à une ascendance plus exotique. J’en ai pris mon parti. Profondément Européen de cœur, je me suis dit que ça n’était pas si mal d’être une décalcomanie de sa carte.

La deuxième surprise, c’était la prépondérance de la péninsule ibérique dans mon ethnicité.

Ces pourcentages-là sont qualifiés de fiables à 98% par MyHeritage.

A cela s’ajoutent des petits % plus incertains, que l’on appelle « low confidence regions » : Irlandais Ecossais et Gallois.

Il m’est difficile d’associer ces fragments d’ADN millénaire à ma brève histoire familiale, dont la mémoire s’arrête à la fin du XVIIe. Je me dis que mon sang ibérique a plus de chances d’être espagnol que portugais et que la Gascogne est près de l’Espagne.

D’où viennent l’Irlandais Ecossais et Gallois? Des cheveux et des yeux clairs de mon père ? Je n’en sais rien. Mais d’une certaine façon, je reconnais dans mon ADN le mélange qui constitue mon phénotype : un très fort influx gascon (Espagne), tempéré de blondeur nordique (Grande-Bretagne).

Mais j’avoue que le test m’a forcément frustrée, puisqu’on ne le livre pas avec des livres généalogiques, des histoires, des récits qui construisent un roman familial à travers les siècles. Les pourcentages ne peuvent aboutir que sur le rêve et la spéculation.

Sans doute pourrais-je affiner au fur et à mesure de l’avancée des tests.

Mais j’ai l’impression que la généalogie est un trou d’Alice, un gouffre dans lequel le temps et l’espace sont aspirés et où on pourrait chuter sans fin à travers les siècles et les échos. J’ai peur de trop m’approcher du bord.

Communauté génétique Ibérique, la confirmation

Aux pourcentages d’ethnicité s’ajoute une autre information plus directement lisible pour moi : ce que l’on appelle la communauté génétique. Il ne s’agit plus cette fois d’ethnicité, mais de localisation géographique : où vivaient mes ancêtres au cours des derniers siècles.

C’est l’élément qui m’a confirmé la véracité du test, qui a rattaché l’ADN à l’histoire connue. MyHeritage ne savait rien de moi, je n’avais rien renseigné quant à mes parents ou grands-parents, et pourtant, le test a visé juste en me plaçant avec une certitude de 99,9%, soit quasi absolue, dans la communauté génétique Ibère. Ce sont les origines de mes grands-parents celles à qui je dois mon groupe sanguin. Cela signifie qu’au XIXe siècle et avant, mes ancêtres vivaient dans cette région du monde, et que des connexions génétiques avec d’autres membres de cette communauté sont avérées.

Et maintenant ?

Je me dis que je devrais retourner en Espagne, que je connais un peu.

Je me dis qu’il faudrait refaire un tour en Irlande, moi qui ne connais rien de la Grande Bretagne et qui est préféré l’Espagnol à l’Anglais en première langue au Collège.

Et vous ? Est-ce qu’un tel test vous tente ?