Le personnel de maison au Grand Siècle

L'originalité d'une classe

Sous Louis XIV, les gens de maison représentent approximativement 10% de la population. La plupart de ces domestiques sont au service des nobles. La Maison réglée, ouvrage paru en 1692, détaille la composition idéale de la maison d'une personne de qualité: un aumônier, un intendant, un secrétaire, un écuyer, deux valets de chambre, un concierge, un maître d'hôtel, un officier d'office, un cuisinier, quatre aides de cuisine, deux pages, quatre ou six laquais, deux cochers, deux postillons, deux garçons de carrosse, quatre palefreniers, un suisse, auxquels il faut ajouter, si ce noble est marié, la maison de l'épouse, à peine moins nombreuse. Les «maisons du roi» sont encore plus importantes. Maisons militaires exclues, elles dépassent 4000 personnes. En revanche, les «maisons des bourgeois» se limitent le plus souvent à une ou deux servantes.

La grande majorité des gens de maison est d'origine rurale. En effet, l'usage impose de recruter les domestiques dans les villages des domaines que l'on possède. Les bourgeois ou les petits nobles, qui n'ont pas de terres étendues, emploient des membres de la famille de leurs métayers. Il est de bon ton de server certaines fonctions aux originaires de provinces ou de pays déterminés. Ainsi, les portiers sont généralement suisses. Les serviteurs sont rétribués par des gages dont le montant est convenu à l'avance. Mais il existe aussi des domestiques «à récompense», qui servent gratuitement et reçoivent des gratifications dont le montant demeure à la discrétion du maître. Les gages sont fixés selon les fonctions. Un maître d'hôtel peut percevoir 500 livres par an, tandis qu'un palefrenier ne reçoit que 60 livres. Logés et nourris par le maître, les domestiques assurent pour lui de multiples besognes. Leurs fonctions sont hiérarchisées: un monde sépare l'intendant de l'humble servante.

Dans la France de Louis XIV, les gens de maison bénéficient d'une situation protégée. Le souci du pain quotidien leur est épargné. Au contact de leurs maîtres, ils acquièrent une certaine culture. Près de la moitié d'entre eux savent lire. Aussi, nombreux sont ceux qui ont conscience d'être au-dessus de la moyenne du peuple. Les serviteurs des grands affichent une véritable morgue. Leur turbulence inquiète la noblesse. La législation est stricte à leur égard. Le port d'arme leur est interdit. La livrée est obligatoire afin de les distinguer du reste de la population. Il leur est défendu de fréquenter les salles de jeux. Le vol domestique, particulièrement redouté, est théoriquement puni de mort. Le sort des domestiques demeure cependant enviable: pour beaucoup de ruraux, il représente le seul moyen d'échapper à la misère.

 

 

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